Lassé par la France, le Gabon pourrait se tourner vers le Commonwealth

Le directeur général de la gouvernance et de la paix du Commonwealth, Luis Francheschi © DR

Une délégation du Commonwealth, emmenée par Luis Franceschi, était à Libreville cette semaine. Il y a rencontré les principales autorités du pays. 

Après le Rwanda, le Gabon sera-t-il le prochain pays d’Afrique francophone à basculer dans le giron anglophone ? L’hypothèse prend de plus en plus d’épaisseur.

Cette semaine une délégation du Commonwealth s’est rendue dans la capitale gabonaise. Objectif : avancer sur les discussions d’adhésion du Gabon à cette organisation qui compte 54 Etats dans le monde.

Luis Franceschi, le directeur général de la gouvernance et de la paix du Secrétariat du Commonwealth, et ses collègues ont rencontré les principales autorités du pays : le président du Sénat, Lucie Milebou-Aubusson, les principaux responsables de partis politiques et d’organisations de la société civile, ainsi que le premier ministre, Rose Christiane Ossouka Raponda.

« Le Gabon et le Commonwealth partagent des valeurs communes notamment l’égalité, la démocratie et la non-discrimination. La volonté du Président de la République Ali Bongo Ondimba est d’ouvrir davantage notre pays à de nouveaux partenariats. Il en va de l’intérêt à la fois diplomatique et économique de notre pays », a écrit celle-ci sur sa page Facebook à l’issue de la rencontre.

La volonté du Gabon d’adhérer au Commonwealth n’est pas nouvelle. Les premiers échanges en ce sens ont débuté à l’orée des années 2010. Mais, après une longue période de mise en stand-by, les choses se sont accélérées ces derniers mois.

La raison ? Officiellement, il s’agit pour le Gabon de s’ouvrir à d’autres partenaires, de diversifier ses relations. Or, les pays anglophones sont, en Afrique notamment, perçus comme plus dynamiques, en particulier sur le plan économique, que les pays francophones.

Mais, officieusement, il y a au Gabon une certaine fatigue vis-à-vis de la France, l’ancienne puissance coloniale.

« Aujourd’hui au Gabon, comme ailleurs en Afrique subsaharienne, la France donne l’impression de perpétuer une relation asymétrique et de s’ingérer à tout propos dans les affaires intérieures du pays en cherchant à lui dicter son comportement sur un certain nombre de sujets, certes importants en Occident, mais secondaires ici en Afrique. Comme si l’époque coloniale n’était pas tout à fait terminée », explique un politologue de l’UOB.

Or, « ce qui plait précisément, à l’inverse, dans le Commonwealth, c’est que chaque Etat membre, quel que soit sa taille ou sa puissance économique, est à égalité et que les relations entre Etat sont réellement régies par le respect mutuel », souligne l’universitaire.

« En outre », ajoute celui-ci, « la France donne le sentiment de parler beaucoup, de donner des leçons, mais finalement d’agir peu. Prenez l’exemple des vaccins contre la Covid-19. N’eussent été la Chine et la Russie, nous n’aurions à ce jour toujours aucune dose de vaccin », fait observer le politologue.

Autre dossier épineux : la multiplication des agressions, physiques et verbales, à l’encontre des représentants gabonais en France (lire notre analyse). Récemment encore, l’ambassadrice de France a dû porter plainte suite à des menaces d’agression physique de la part d’un ex-journaliste, qui se dit réfugié en France (lire notre article).

« Reste à voir si cette plainte sera réellement suivie d’effet ou enterrée comme les précédentes », peste un haut-diplomate gabonais. A Libreville, on a du mal à comprendre le laxisme et l’inaction des autorités françaises dans ce genre de dossier.

La France donne également l’impression, parfois, de faire peu de cas de la souveraineté des pays africains, leur faisant volontiers la leçon sur un ton moralisateur. Et quand ce n’est pas son gouvernement, c’est sa Justice. Il y a quelques jours à peine, dans le cadre de l’affaire des frères Laccruche, une juge française a émis une commission rogatoire à l’endroit de Libreville. Une initiative plus que diversement appréciée à Libreville qui entend bien y opposer une fin de non recevoir catégorique (lire notre article).

Au final, le télescopage de ces deux actualités – cette commission rogatoire et la visite de la délégation du Commonwealth – n’est peut être pas tout à fait un hasard. On peut peut être y voir un signe annonciateur dont seule l’Histoire a le secret.