Gabon : les trois clés du dernier remaniement au sein du gouvernement et de la présidence

Ce mardi 20 février, le Gabon a connu un double remaniement : celui de l’équipe gouvernementale et de l’équipe présidentielle. Un mouvement plus profond qu’il n’y parait et riche d’enseignements. Analyse.

Premier enseignement de ce qu’il convient d’appeler un double remaniement, le départ du secrétaire général de la présidence, Guy Rossatanga-Rignault. Celui-ci cède son poste à Jean-Yves Teale, actuel conseiller diplomatique du président de la République du Gabon. M. Teale est diplomate de formation. Il travaille depuis plus de 15 ans auprès du président de la République, Ali Bongo Ondimba, dont il fut le conseiller diplomatique au ministère de la Défense, avant d’occuper à partir de 2009 cette même fonction à la Présidence. Guy Rossatanga-Rignault, le secrétaire général sortant, intègre quant à lui le gouvernement au poste de ministre de la Pêche, de la Mer et de la Sécurité maritime.

Ce mouvement intervient un mois seulement après la publication du décret modifiant l’organigramme de la Présidence de la République. Il consacre de fait la position prédominante du directeur de cabinet du président, Brice Laccruche Alihanga, qui entretient des relations de confiance avec M. Teale. Il marque également la volonté du président Ali Bongo Ondimba de placer à l’échelon le plus élevé le traitement des questions internationales, dans un contexte où celui-ci est le président en exercice de la CEEAC et où le Gabon est l’un des leaders africains en matière de lutte contre les changements climatiques.

Second enseignement à tirer de ce remaniement, le départ du gouvernement d’Yves Fernand Manfoumbi, le ministre de l’Agriculture, chargé de la mise en œuvre du programme Graine. Cet ancien directeur général du Budget et ancien coordinateur du bureau de la coordination plan stratégique Gabon émergent doit sans nul doute son éviction à la diffusion de photos le montrant se roulant par terre ce weekend lors d’une manifestation dans sa province de la Ngounié. Des clichés jugés particulièrement humiliants. Cet épisode rappelle le précédent du Professeur Léon Nzouba, contraint à la démission de ses fonctions de ministre de l’Education nationale en août 2014 après s’être mis à genoux devant un élève qui menaçait de se suicider. Une attitude alors qualifiée de dégradante et indigne de sa fonction ministérielle. Il semble donc que la jurisprudence Nzouba ait été appliquée au cas d’Yves Fernand Manfoumbi. Ce dernier est remplacé à son poste par Biendi Maganga Moussavou.

Troisième enseignement à tirer de ce remaniement, le remplacement du ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Francis Nkea Ndzigue, qui quitte cette fonction après avoir essuyé ces derniers mois des grèves à répétition de la part des magistrats qui n’ont eu de cesse de réclamer sa tête. Il est remplacé dans cette fonction par Edgard Anicet Mboumbou Miyakou, qui fut précédemment ministre délégué auprès du ministre des Travaux publics.

A travers ce remaniement, qui intervient à moins de deux mois des élections législatives, Ali Bongo Ondimba entend faire d’une pierre trois coups. D’une part, il réaffirme sa volonté d’exemplarité au sein du gouvernement à travers le départ du ministre de l’Agriculture. D’autre part, il envoie un message d’apaisement à l’adresse des magistrats avec le renvoi du ministre de la Justice. Enfin – et peut être surtout –, il poursuit la consolidation de sa garde rapprochée au sein de la présidence dont les deux hommes-clés sont désormais Brice Laccruche Alihanga, le directeur de cabinet, et Jean-Yves Teale, son sherpa et tout nouveau secrétaire général de la présidence.