Gabon : Pourquoi Paulette Missambo et l’Union nationale ont (totalement) raté leur rentrée politique

La présidente de l'Union nationale, Paulette Missambo © Facebook

Ce dimanche 27 novembre, l’Union nationale effectuait sa rentrée politique en présence de responsables de quelques partis de l’opposition et d’organisations de la société civile qui leur sont proches. A cette occasion, sa présidente appelé à l’unité de l’opposition. Un vœux pieux. Voici pourquoi. 

« Paulette Missambo, ça n’est pas la contradiction qui l’étouffe », cingle un député du PDG, le parti majoritaire.

Hier, dimanche, dans une ambiance somme toute confidentielle, marquée par l’absence des autres grandes figures de l’opposition, son parti, l’Union nationale, faisait sa rentrée politique. « Alors que nous sommes bientôt à la fin de l’année, il était temps ! », raille ce même député. En réalité, ce réveil soudain pourrait être lié au lancement, que l’on pressent imminent, de l’enrôlement des électeurs sur la liste électorale en vue des échéances prévues en 2023.

Sur le fond, le discours était classique, convenu même. Telle une Pitie, capable de deviner l’avenir, Paulette Missambo croit savoir qu’ « en 2023, le rejet de ce régime sera encore plus franc qu’en 2016″.

Scepticisme

Par moment même, la présidente de l’UN a semblé se perdre dans une sorte de meta-réalité, une réalité parallèle, peuplée de faits alternatifs. Par exemple, lorsqu’elle a suggéré que le président Ali Bongo Ondimba ne serait plus en capacité de gouverner. « Depuis le mois d’octobre 2018, une imposture, que nul ne conteste plus, s’est installée à la tête de l’État », a-t-elle répété comme une antienne. Un propos lunaire qui n’a guère démontré son efficacité jusqu’à présent.

Au final, comme l’explique un des responsables d’une organisation de la société civile invités à cette occasion, « tout ça manquait de fond, de propositions. Si l’on veut avoir une chance de nous imposer, ce n’est pas en s’enferrant dans la critique. Il faut également que nous proposions un contre-projet aux Gabonais. Or, on attend toujours », dit-il, un brin sceptique.

Jean Ping critiqué

Le moment le plus savoureux de cette rentrée politique de l’UN fut sans conteste au moment où Missambo en a appelé à l’unité de l’opposition. Comment ? D’abord en critiquant Jean Ping qui, en 2018, avait appelé au boycott des élections générales.

« On ne peut que nourrir quelques regrets ». Car, a-t-elle assuré « la dynamique unitaire qui avait pourtant montré son efficacité en 2016 n’a pu être rééditée en 2018, le débat s’étant focalisé sur la pertinence de notre participation ». Avant de prévenir : « Nous devons nous garder de retomber dans les mêmes errements ». Une critique directe à l’endroit de du patron de la CNR qui, à 80 ans, est jugé « dépassé » par les caciques de l’UN.

Barro Chambrier et Nzouba-Ndama pas prêts de se rallier

L’appel à l’unité de l’opposition a d’autant moins de chance de se matérialiser qu’il y a un an, presque jour pour jour, le 13 novembre 2021, à l’issue d’un congrès du parti, Barro Chambrier (dont le parti tiendra son premier congrès ordinaire les 2, 3 et 4 décembre prochain). avait appelé l’Union nationale à la concertation en vue d’une démarche unitaire. Las, la nouvelle présidente de l’UN avait renvoyé celui du RPM dans les cordes.

Il y a quelques semaines, alors qu’une autre figure de l’opposition, Guy Nzouba-Ndama, commettait un faux-pas qui lui vaut depuis des ennuis judiciaires, l’UN a brillé par son silence. « Nous aurions pu espérer un soutien de leur part. Mais rien. Ils ont fait semblant, ils ont été largement hypocrites. En réalité, leurs responsables y ont vu une occasion d’écarter de la course au leadership de l’opposition en vue de la présidentielle de 2023 non pas un allié, mais un concurrent. C’est triste, mais c’est ainsi », explique, amer, un député Les Démocrates, le parti de M. Nzouba-Ndama.

L’UN fracturée

Enfin, Paulette Missambo a pris soin d’éviter « le » sujet qui fâche dans les rangs de l’UN. Les tensions (c’est un euphémisme) entre ses partisans et ceux de Paul-Marie Gondjout, l’ex-vice-président du parti, très populaire auprès de la base. « Le parti aujourd’hui est profondément divisé, fracturé en deux », souligne un professeur en science politique de l’UOB. « Pour l’UN, c’est une sacrée épine dans le pied et un paradoxe qui sera difficile à surmonter. Car comment en effet prétendre faire l’unité de l’opposition, forcémement autour de soi, quand on a pas été capable de maintenir l’unité dans son propre parti ? », s’interroge l’universitaire.

A cette question, ce dimanche 27 novembre, Paulette Missambo s’est bien gardée de répondre.