Gabon : Pourquoi la saisine de l’Assemblée parlementaire de la francophonie par les avocats de Justin Ndoundangoye est « un coup d’éclat médiatique sans aucun effet juridique »

Le député et ex-ministre Justin Ndoundangoye est mis en cause dans le cadre de l'opération anti-corruption Scorpion © DR

Les avocats de Justin Ndoundangoye – député du deuxième arrondissement de la commune de Franceville, interpellé dans la cadre de l’opération anti-corruption Scorpion après la levée de son immunité parlementaire le 26 décembre dernier et écroué depuis à la prison centrale de Gros-Bouquet – ont annoncé avoir saisi l’Assemblée parlementaire de la Francophonie afin de contester la décision de la chambre basse du Parlement gabonais.

C’est par le biais d’un communiqué de presse rendu public ce vendredi que maîtres Cédric Maguisset, Calvin Job et Nkoulou Ondo Ruffin ont annoncé avoir saisi mardi 25 février l’Assemblée parlementaire de la Francophonie pour contester la levée de l’immunité de leur client, le député Justin Ndoundangoye, qui fut il y a quelques mois encore ministre des Infrastructures et de l’Equipement.

Une démarche qui semble purement honorifique. Cette institution n’a en effet aucune compétence pour se prononcer sur pareil cas, pas plus que sur toute autre décision émanant des chambres parlementaires nationales qui en sont membres.

Dès lors, pourquoi les avocats de M. Ndoundangoye saisissent-ils cette instance ? Selon ce magistrat, cette initiative s’inscrirait dans une stratégie globale de défense adoptée par plusieurs des conseils de détenus mis en cause dans l’enquête portant sur l’opération Scorpion.

« Certains avocats ont fait le choix de plaider leur dossier non pas devant les prétoires mais devant les médias. Ils conçoivent cela comme un moyen de pression vis-à-vis des autorités gabonaises », commence par expliquer ce juge. « C’est aussi une manière de faire un contre-feu. Cela permet d’éviter de parler du fond du dossier, des charges qui pèsent sur les prévenus, des éléments de preuve, etc. », poursuit-il.

Selon lui, cette stratégie est risquée car elle peut s’avérer contre-productive. « Ce ne sont pas des déclarations d’avocats faites dans les médias qui changeront quoi que ce soit sur le cours de la procédure. La pression médiatique n’a aucun effet sur les juges. Si ce n’est parfois un effet négatif dans le sens où cela peut les inciter à se raidir », confie-t-il, rappelant que « c’est au Gabon devant les tribunaux, et pas ailleurs, que se réglera cette affaire ».

Revenant sur le cas d’espèce, le magistrat indique que « saisir une instance comme l’Assemblée parlementaire de la francophonie qui n’a aucune compétence pour se prononcer sur la question posée (elle n’est en rien une juridiction ou une cour d’arbitrage, sans parler du principe de souveraineté, fait-il observer), cela permet de faire le buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux durant quelques heures. Mais c’est tout (…) Ce coup d’éclat médiatique restera sans aucun effet juridique », assure-t-il.