Gabon : Pourquoi la décision de la CPI de refuser de clore le dossier des violences post-électorales de 2016 ne satisfait pas l’opposition

Le siège de la CPI à La Haye au Pays-Bas © DR

La première chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé mercredi 15 janvier de ne pas écarter définitivement la possibilité d’ouvrir une enquête sur les événements post-électoraux de 2016 au Gabon. Une décision insatisfaisante pour l’opposition gabonaise. Explication.

C’est une décision qui, en apparence, aurait pu réjouir l’opposition gabonaise. Mais même si certaines de ses figures tentent de faire contre mauvaise fortune bon cœur, l’enthousiasme n’y est pas. Pourquoi ?

Tout d’abord, parce que cette plainte ne concerne pas seulement la plainte déposée par l’opposition contre les autorités, mais aussi celle déposée par l’Etat gabonais qui estimait que certains opposants avaient commis des « faits relevant de l’incitation à commettre le crime de génocide ». De fait, dans sa décision du 15 janvier, la première chambre préliminaire de la CPI ne prend pas partie pour un camp contre un autre. Difficile en ce cas pour l’opposition de pavoiser.

Ensuite, les chances de voir la CPI se pencher sur le cas gabonais sont infimes. D’une part, la juridiction internationale ne traite que des violations les plus graves (génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité…). Or, au terme du rapport d’enquête qui a conduit en septembre 2018 la procureure Fatou Bensouda de plaider en faveur de l’abandon des investigations sur ce dossier, les violences post-électorales au Gabon en 2016 auraient fait « de 3 à 8 morts ». Insuffisant pour rentrer dans la catégorie des incriminations justiciables devant la CPI.

D’autre part, la CPI ne peut s’auto-saisir qu’à partir du moment où dans le pays en question, la Justice n’a pas été rendue. Or, il y a tout juste un mois, en décembre 2019, au terme de leur dialogue politique intensifié, Gabon et UE sont convenus du principe d’une indemnisation des familles de victime des violences post-électorales. C’est donc que justice sera faite dans le pays lui-même et que la CPI n’aura donc pas à faire valoir le principe de subsidiarité. En cela, la décision de la première chambre préliminaire de la juridiction internationale apparaît comme étant à contre-coup.

Enfin, la CPI n’est plus l’institution révérée qu’elle était au moment de sa création en 2002. Elle est aujourd’hui très critiquée pour son deux poids deux mesures (la totalité des cas, à une exception près, dont elle s’est saisie concerne le continent africain) et s’est largement décrédibilisée depuis comme l’ont montré les cas de Jean-Pierre Bemba (RDC) ou de Laurent Gbagbo (RDC).

« On attend le jour où la CPI se saisira des dizaine de milliers de morts au Vénézuela ou bien du drame des Rohingyas ou des Ouïghours. On pourra alors en reparler », a commenté, sur le ton de la raillerie, un officiel gabonais joint cet après-midi par téléphone.