Gabon : Pour tenter de faire oublier son forum à 3 millions d’euros, Libération s’en prend derechef aux Bongo

Libération a empoché 3 millions d'euros pour l'organisation d'un forum au Gabon qui n'a en rien profité au pays © DR

A la veille du 60ème anniversaire de l’Indépendance du Gabon, le journal Libération, qui fait face à une érosion inédite de son lectorat et qui ne doit sa survie qu’à un généreux système de subventions publiques, s’en prend de nouveau à la famille Bongo. Problème : le quotidien, connu pour incarner la gauche morale, volontiers donneuse de leçons, n’est sans doute pas le mieux placé pour ce faire. 

La reconnaissance ne les étouffera pas. C’est le sentiment, teinté d’ironie, qui anime ce matin une bonne partie du microcosme politico-médiatique à la lecture de l’article paru lundi 10 août dans le quotidien Libération.

Un article, sans surprise et sans nuances, à charge contre les dirigeants du Gabon, dans la veine des papiers écrits par Libération sur le pays ces dernières années. « C’est ce qu’on appelle dans le jargon un marronnier », sourit un ex-correspondant d’une grande radio internationale au Gabon. « Libé n’est pas un journal neutre, mais engagé. Son point de vue est donc éminemment subjectif », commente-t-il.

Pour autant, l’article en question, s’il s’apparente davantage à une diatribe idéologique qu’à tout autre chose, ne devrait pas autant s’affranchir des canons de la pratique journalistique traditionnelle, ce qui n’est manifestement pas le cas.

« Le journalisme, c’est le point de vue et le contre-point de vue disait Pierre Lazareff, le fondateur de France Soir. Or ici, le contre-point fait défaut », pointe du doigt l’ancien correspondant d’une grande radio internationale dans le pays. « En réalité, à la lecture de l’article, on comprend que le journaliste ne cherche pas véritablement à comprendre la situation mais a étayé une thèse préalable. Il noircit donc le tableau avec un sens consommé du manichéisme : le mal incarné d’un côté par le pouvoir en place et le bien, symbolisé par l’opposition par nature vertueuse », ajoute-t-il avec une pointe de malice.

« Le Gabon est l’un des pays d’Afrique les mieux gérés. Il l’a encore démontré lors de la crise du Covid-19 »

Dans cette entreprise, tous les procédés sont bons. Y compris le fait de s’affranchir de la vérité et à convoquer au passage quelques fake news pour mieux étayer le propos. Exemple, « Ali Bongo ne s’est plus exprimé en public depuis le 26 octobre 2018 » (jour où il a été victime à Riyad d’un AVC, NDLR). Ce qui est tout simplement faux. Le 16 décembre 2019, dans une salle comble, en présence de nombreux chefs d’Etat et diplomates, Ali Bongo préside en grande pompe un Sommet extraordinaire de la CEEAC. Deux mois plus tôt, début octobre, il s’affiche en public devant quelque 6 000 de ses partisans réunis dans le 6ème arrondissement de Libreville. Etc. Ces « détails » factuels, faciles à vérifier ont échappé à la vigilance de la journaliste…

« En fait, le Gabon que Libération dépeint est le Gabon tel que le fantasme une frange de l’extrême gauche française qui voudrait des révolutions partout dans le monde. Moi qui vit dans le pays depuis trois ans, je ne l’ai pas reconnu à la lecture de ces lignes », s’amuse un diplomate occidental qui a fait une grande partie de sa carrière en Afrique. A sa décharge, la journaliste, auteur de l’article, qui reprend textuellement l’argumentaire de la frange la plus radicale de l’opposition gabonaise, n’a plus mis les pieds au Gabon depuis belle lurette.

« A la vérité, même si cela ne plait pas à la société médiatique parisienne, le Gabon est l’un des pays d’Afrique les mieux gérés. Il l’a encore démontré lors de la crise du Covid-19. Le pays est celui qui, sur le continent, teste le plus sa population par tête d’habitant et où le taux de mortalité dû au virus est le plus faible », rappelle ce diplomate. Mais ici aussi, manifestement, Libération n’a pas jugé bon de le relever…

« Libération donne l’impression de cracher dans une soupe qu’il a pourtant, fût un temps, trouvé fort à son goût »

Dans les salles de rédaction parisienne, parmi les africanistes, ces journalistes spécialisés sur l’Afrique, on s’efforce de rappeler qu’il faut raison garder et resituer les choses à leur juste proportion. Mieux, on se gausse volontiers d’un tel article. « Libération donne l’impression de cracher dans une soupe qu’il a pourtant, fût un temps, trouvé fort à son goût », raille un journaliste, passé par Jeune Afrique, qui traite aujourd’hui du continent dans un grand quotidien hexagonal.

Celui-ci fait allusion au fameux forum organisé par Libération au Gabon en 2015. Un événement cher payé par le Gabon compte tenu des retombées quasi-inexistante mais qui a fait le bonheur du journal français qui a empoché à cette occasion la bagatelle de 3 millions d’euros. Depuis, une enquête préliminaire a été ouverte en France après un signalement de Tracfin. Un ancien dirigeant de « Libé » impliqué a même démissionné (lire cet article). Mais c’est toute la rédaction qui est éclaboussée. « D’un côté, on profite des largesses du pays. Et de l’autre, on mord la main qui vous a nourri », sourit une des plumes de L’Union, le grand quotidien gabonais qui n’exclut pas une opération de réhabilitation. Un autre de ses collègues se fait lui plus direct. « C’est le pilleur qui crie au pillage », cingle-t-il, certain que « Libération essaie de se refaire une virginité à travers cet article » qui s’apparente davantage à une opération de « window dressing ».

Un journal en perte d’influence

Pour autant, nuance, le journaliste Afrique d’un grand quotidien français, il ne faut pas exagérer l’influence de ce genre d’article. « Libération aujourd’hui n’est plus ce qu’il était. Son lectorat s’est nettement érodé. Il se situe péniblement autour des 70 000 exemplaires par jour. D’autre part, l’article paraît dans une période, la première quinzaine d’août, qui est la plus creuse pour les journaux. Les gens ont la tête aux vacances. Ils lisent donc beaucoup moins les quotidiens qu’en période habituelle », explique celui-ci.

Un point de vue qui recoupe en partie celui de l’ex-correspondant d’une grande radio internationale dans le pays. « Libération ne survit plus aujourd’hui que grâce à un généreux système de subventions publiques. Il parle à une base de lecteurs très resserrée dont le fond idéologique est celui de l’extrême gauche, décolonialiste, anti-Etat, anti-gouvernement, etc., très minoritaire en France. Cela fait bien longtemps que leurs papiers, dans les milieux véritablement influents (comprendre chez les décideurs comme à l’Elysée ou au Quai d’Orsay, etc., NDLR), ne sont plus lus que par devoir professionnel ou simple curiosité », décrypte ce fin connaisseur de la mécanique journalistique.

Coup d’épée dans l’eau ou plutôt dans la soupe

En somme, le papier publié ce jour dans Libération fait davantage l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. Ou plutôt dans la soupe. Une soupe que, fût un temps, ce journal a trouvé fort à son goût avant d’en être privé.

Par souci de bonne gestion, le Gabon a mis un terme à la pratique des forums dispendieux, payés à millions, organisés sur son sol. Une dérive ponctuelle qui a notamment profité à Libération, qui se garde bien dans son article de le rappeler. Depuis, au Gabon, l’époque a changé. Une vaste opération anti-corruption a été lancée. Et l’heure est à la bonne gouvernance.