Gabon : Pour la Cour de cassation, le Président Ali Bongo Ondimba n’a pas à comparaître devant les juridictions ordinaires

Le président de la République sans doute satisfait en son fors intérieur de la décision rendue par la Cour de cassation ce mardi 7 juillet 2020 au Gabon © DR

Hier mardi, la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement attendu, mettant fin à un feuilleton débuté il y a plus d’un an. La plus haute juridiction de l’ordre civil a cassé et annulé la décision controversée de la Cour d’appel de Libreville qui, en août 2019, voulait faire comparaître devant elle le Président de la République suite à une action introduite par un collectif d’opposants radicaux, Appel à agir, dont le but était de faire déclarer la vacance du pouvoir présidentiel. 

C’est la fin d’un long feuilleton à la fois judiciaire, politique et médiatique. Et pour les avocats du président Ali Bongo Ondimba, qui viennent de remporter leur bras de fer contre le collectif d’opposants radicaux Appel à agir, la victoire ne souffre aucune contestation.

Ce mardi 7 juillet, la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre civil au Gabon, a cassé et annulé la décision de la Cour d’appel judiciaire de Libreville qui entendait faire comparaître devant elle le Président de la République, quand bien même celui-ci, qui n’est pas un justiciable ordinaire, bénéficie d’un privilège de juridiction.

« La Cour de cassation vient de mettre tout le monde d’accord en rappelant les règles. La décision qui vient d’être rendue signifie que la Cour d’appel, pas plus qu’une autre juridiction de l’ordre civil, ne peut prendre la décision d’assigner le chef de l’Etat, étant donné que ce dernier n’a jamais été partie à un quelconque procès », s’est réjoui Me Minko Mi-Ndong, l’un des conseils du président Ali Bongo Ondimba.

Le collectif d’opposition radicale, Appel à agir, avait déposé fin mars 2019 devant le tribunal de Libreville une demande d’expertise médicale du président Ali Bongo Ondimba pour déterminer sa capacité à exercer ses fonctions après son accident vasculaire-cérébral (AVC) en octobre 2018 en Arabie saoudite.

Le tribunal avait rejeté le 2 mai 2019 cette requête au motif que le président de la République n’est pas un justiciable comme un autre, rappelant que seul le gouvernement ou, à défaut, les deux chambres du Parlement peuvent saisir la Cour constitutionnelle en vue de constater la vacance de la Présidence de la République ou l’empêchement définitif de son titulaire.

Appel à agir avait alors formé un recours devant la Cour d’appel judiciaire de Libreville qui, le 12 août, à la surprise générale, s’était déclarée compétente pour faire comparaître devant elle le président de la République. C’est cette décision que la Cour de cassation vient de casser et de frapper d’annulation.

Pour les professionnels du droit, cette issue était somme toute attendue. « La décision de la Cour d’appel d’août 2019 avait décontenancé les avocats comme les magistrats en ce sens qu’elle s’oppose frontalement aux dispositions de la Constitution. Partout dans le monde, et le Gabon ne fait pas exception, le président de la République ne peut être justiciable devant les juridictions ordinaires », rappelle un haut-magistrat, aujourd’hui en retraite.

Une action en justice anachronique et très éloignée des préoccupations des Gabonais

Mais pour les observateurs, cette affaire était en réalité moins judiciaire que politique et médiatique. « Les motivations d’Appel à agir, dont les membres sont tous membres ou proches de l’opposition radicale, étaient davantage politiques que judiciaires. Il s’agissait en réalité d’utiliser la justice pour mener un combat politique », analyse un professeur en science politique de l’UOB.

« Aujourd’hui, cette action a un côté franchement anachronique. Le président Ali Bongo Ondimba a été en première ligne durant la crise du Covid-19 qui n’est d’ailleurs pas terminée. Et les préoccupations des Gabonais sont dirigées vers tout autre chose que ce genre de sujet qui ne concerne en rien leur quotidien », fait observer l’universitaire.