Gabon : Nzouba-Ndama s’empare à son tour du débat sur l’homosexualité pour ne pas se faire distancer par Ping

Guy Nzouba-Ndama escompte remplacer Jean Ping comme leader naturel de l'opposition au Gabon © DR

Inaudible et inexistante depuis le début de la crise du Covid-19, l’opposition s’est réveillée ces derniers jours à la faveur du débat sur l’homosexualité. Après Jean Ping samedi, c’était au tour ce mardi du président des Démocrates, Guy Nzouba-Ndama, de prendre la parole sur ce sujet qui divise la société gabonaise. Avec un objectif en tête : ne pas se laisser distancer par le leader de la CNR dans la perspective de l’élection présidentielle de 2023.

Silencieux depuis le début de la crise du Covid-19, Guy Nzouba-Ndama est sorti ce mardi de sa torpeur.

A l’occasion d’une conférence de presse, il a, dans un discours à l’argumentaire alambiqué, dit son opposition à la loi de dépénalisation de l’homosexualité au Gabon.

Pour le patron du principal groupe d’opposition à l’Assemblée nationale, l’enjeu était en réalité politique et plus précisément électoral, comme l’explique un professeur de l’UOB.

« Depuis deux ans, on assiste à une guerre de leadership larvée au sein de l’opposition avec d’un côté, Jean Ping, qui est en reflux, et de l’autre Guy Nzouba-Ndama, fort de son statut de président du premier parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale. Comme Jean Ping a pris la parole samedi sur le sujet de l’homosexualité, Guy Nzouba-Ndama ne pouvait pas se permettre de se laisser distancer. D’où la convocation de cette conférence de presse au pied levé ce mardi et motivée moins par l’esprit de conviction que par des raisons tactiques », explique l’universitaire, spécialiste de science politique.

Pourquoi le faire sur l’homosexualité ? « C’est un choix instrumental. En dépit des reproches que l’on peut faire aux autorités sur la crise du Covid-19, celles-ci ont, si l’on compare par rapport aux autres pays africains, bien géré la situation avec un taux de tests de la population très élevé et un taux de létalité beaucoup plus faible que la moyenne continentale. Par conséquent, la seule manière pour l’opposition de taper sur la majorité, c’est de s’emparer du débat sur l’homosexualité qui est très clivant dans la société », éclaire l’universitaire.

Moins par conviction que par esprit tactique et électoraliste

Et peu importe si, sur le fond, le discours de Guy Nzouba-Ndama est truffé d’approximations, comme l’était également celui de Ping. « Quand le président des Démocrates soutient que l’homosexualité ne fait pas partie de la tradition gabonaise, il omet de dire que, depuis l’Indépendance à juillet 2019, celle-ci n’était pas pénalisée », souligne le professeur, qui relève par ailleurs que « M. Nzouba-Ndama s’est évertué à entretenir la confusion entre dépénalisation et légalisation. Contrairement à ce qu’il laisse entendre de manière fallacieuse, dépénaliser l’homosexualité, ça n’est pas reconnaître le mariage homosexuel, admettre la gay pride ou autres choses de de genre », rappelle l’universitaire.

Mais l’important pour Guy Nzouba-Ndama n’était pas tant de coller à la vérité que de marquer à la culotte un rival qu’il estime toujours dangereux dans la perspective de l’élection présidentielle de 2023. Car cette fois-ci, et contrairement à 2016, le leader des Démocrates n’a pas l’intention de s’effacer derrière le patron de la CNR. Jean Ping est prévenu.