Gabon : des médecins fonctionnaires dénoncent « l’égoïsme » d’un syndicat qui veut faire grève pour défendre des « privilèges » alors que la profession est l’une des plus favorisées au sein du secteur public

Alors que les médecins du secteur public bénéficient de rémunérations parmi les plus élevées dans la fonction publique, leur syndicat, le Symefoga, refuse tout effort en matière salariale et menace de faire grève. Une attitude qui passe mal dans l’opinion publique gabonaise mais également auprès de certains médecins qui fustigent l’attitude égoïste de ce syndicat au moment où tous les agents publics sont mis à contribution. Ceux-ci craignent que les patients ne soient pris en otage. 

Pour le Syndicat des médecins fonctionnaires du Gabon (Symefoga), cela pourrait être le mouvement de gréve de trop. Ces derniers jours, celui-ci tentent de convaincre l’ensemble de la profession de stopper le travail. A l’appui de leurs revendications, ils pointent du doigt les mesures d’économies budgétaires décidées par le gouvernement, en particulier celles concernant la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS). Des mesures qui, selon eux, ne permettraient pas de régler la dette de l’Etat vis-à-vis des hôpitaux publics.

Mardi 24 juillet, la ministre de la Santé, Denise Mekam’ne, avait reconnu qu’ « il y [avait] un début de mouvement d’humeur dans les hôpitaux de services publics né du fait que la CNAMGS ne procède plus de manière régulière au versement du financement auquel ont droit les hôpitaux », promettant de régler le problème dans les meilleurs délais en évaluant le niveau de la dette de la CNAMGS vis-à-vis des hôpitaux et en fixant les modalités devant permettre son apurement.

« Certains médecins, qui sont déjà très bien payés, ne veulent faire aucun effort alors qu’ils sont privilégiés »

Mais pour le Symefoga, peu importe. Le 6 juillet dernier, ce syndicat a déposé un préavis de grève générale illimitée. Un mouvement qu’il justifie en raison de « la nécessité de lutter contre la dégradation de la qualité de services délivrés aux patients, en particulier de la qualité des soins ».

Voilà pour la raison officielle. Car, en réalité, les choses semblent bien différentes. De plus en plus nombreuses sont en effet les voix qui s’élèvent au sein même de la profession pour dénoncer « la tentation d’un énième mouvement de grève ». Ceux qui s’en offusquent pointent du doigt la volonté de certains syndicats de prendre en otage les patients, sous couvert de revendications légitimes (l’amélioration de la qualité des soins, etc.), pour en réalité défendre… leurs primes, leurs « droits acquis » – d’aucuns disent « leurs privilèges » – alors même qu’ils bénéficient de salaires parmi les plus élevés au sein de la fonction publique au Gabon. Des salaires qui ont, par surcroît, beaucoup augmenté depuis près de dix ans.

Irresponsabilité et égoïsme

« Tout cela n’a rien à voir avec les réformes du gouvernement, la gestion de la CNAMGS et l’amélioration de la qualité de service. C’est plus prosaïque que ça. En réalité, certains médecins qui sont déjà bien payés, ne veulent faire aucun effort alors qu’ils sont privilégiés en termes de rémunération et d’avantages liés au statut par rapport à d’autres professions au sein du secteur public. Du coup, l’effort est reporté sur les autres corps de la fonction publique dont le niveau de traitement est inférieur. Et peu importe si, au final, c’est le patient qui trinque », peste ce praticien officiant au centre hospitalier régional de Mouila dans la province de la Ngounié qui parle d’ « attitude irresponsable et égoïste » de la part du Symefoga.

« Il faut bien le reconnaître, par rapport à d’autres, nous ne sommes pas mal lotis. Chacun doit prendre sa part de l’effort collectif. Il n’y a aucune raison qui justifie que nous, médecins, nous ne le faissions pas. Les Gabonais ne le comprendraient pas », renchérit l’un de ses confrères qui partage son point de vue.

Fin juin, le gouvernement du Gabon a entrepris une vaste réforme destinée à garantir un retour rapide à l’équilibre des finances publiques. Parmi les différentes mesures, figurent des dispositions visant à maîtriser davantage la masse salariale au sein de la fonction publique. Une nécessité car celle-ci représente une part substantielle des dépenses de fonctionnement de l’Etat qui absorbe 57 % de ses recettes fiscales. Des ratios jugés intenables à terme par les économistes.