Gabon : l’opposant Louis Gaston Mayila appelle à une gouvernance d’union nationale et à un large renouvellement des responsables politiques

L'opposant Louis Gaston Mayila (au centre de la photo) © DR

Contrairement à d’autres opposants, le leader de l’Union pour la nouvelle République (UPNR) a salué jeudi 6 décembre 2018 la décision de la Cour constitutionnelle du 14 novembre. Une « solution politique » pertinente qui, selon lui, appelle à revoir plus globalement le fonctionnement institutionnel du pays.

C’est lors d’une conférence de presse hier à Libreville que le président de l’UPNR a livré sa lecture de la décision n° 219/CC de la Cour constitutionnelle autorisant le vice-président de la République à convoquer et présider un conseil des ministres en lieu et place d’Ali Bongo.

Louis Gaston Mayila a salué cette décision. C’est « un début de solution politique », a-t-il déclaré, créant ainsi une brèche dans l’opposition qui jusqu’à présent l’avait vigoureusement critiquée.

« Il y a des solutions juridiques. Est-ce qu’elles existent en l’état des choses ? Je dis non. Il y a des solutions politiques. Est-ce qu’elles existent aujourd’hui ? Je dis oui. La modification de la Constitution est un début de solution politique, il faut donc qu’on en parle », a-t-il affirmé, ajoutant que, « ça n’est pas aux trois personnes qui se sont rendues au Maroc qui doivent décider comment devra être gérer le pays pendant la vacance provisoire. On doit discuter ensemble ». Une allusion au vice-président de la République, Pierre Claver Maganga Moussavou, au Premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, et à la présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, qui se sont rendus à Rabat en début de semaine pour rencontrer le président Ali Bongo.

Il n’est plus question de vacance définitive du président de la République mais d’absence temporaire d’Ali Bongo

Louis Gaston Mayila lance donc un appel général à la « réconciliation nationale » pour « sortir le pays de la crise », invitant l’ensemble des leaders des partis politiques à s’asseoir autour d’une table pour définir ensemble les modalités de la « vacance temporaire » pour faire fonctionner le pays. « Pour qu’on s’en sorte, il faut que nous nous mobilisions tous ensemble. C’est pour cela que j’ai écrit à tous les chefs de partis, pour qu’on se retrouve et qu’on débatte de ce que deviendra le pays. On s’achemine vers une solution politique. Mais il faut que tout le monde y participe », a adjuré le président de l’UPNR.

Ces déclarations, émanant d’un opposant plusieurs fois ministres sous Omar Bongo et qui a appelé à voter Jean Ping en 2016, sont d’autant plus importantes qu’elles marquent une rupture radicale avec la stratégie poursuivie jusqu’alors par l’opposition. Une frange de plus en plus importante de celle-ci écarte désormais en effet l’hypothèse d’une vacance définitive du pouvoir, Ali Bongo, en convalescence à Rabat, devant prochainement rentré à Libreville. D’où l’appel de Mayila à réunir l’ensemble de la classe politique pour discuter, non pas de la vacance définitive, mais de l’absence temporaire du chef de l’Etat pour faire en sorte que durant ce court laps de temps, les institutions gabonaises fonctionnent parfaitement. « Cela revient à un changement de paradigme. M. Mayila plaide en réalité pour une gouvernance d’union nationale. Reste à voir quelle forme cela pourrait prendre », explique une politologue gabonais.

La désignation d’Emmanuel Issoze Ngondet au poste de président de l’Assemblée nationale serait une grave erreur

Mais Louis Gaston Mayila va plus loin. Une fois Ali Bongo rentré, une fois les résultats définitifs des élections législatives proclamés par la Cour constitutionnelle, une fois la démission du premier ministre remise au président, il faut, selon l’opposant, profiter de ces circonstances pour renouveler très largement les figures politiques et favoriser la mise en place d’une gouvernance d’union nationale, basée sur un dialogue constructif entre la majorité et l’opposition.

Dans l’esprit du président de l’UPNR, cela passe notamment par un large remaniement de l’équipe gouvernementale, des responsables des exécutifs locaux mais aussi du choix du futur président de l’assemblée nationale. Mayila est en effet opposé à ce qu’un ancien premier ministre se voit offrir le poste stratégique du perchoir de la première chambre en guise de compensation. « Il faut du sang neuf », plaide-t-il, rejetant ainsi indirectement l’hypothèse de la nomination à la présidence de l’assemblée nationale d’Emmanuel Issoze Ngondet, qui devrait être démis de ses fonctions de premier ministre dans quelques jours. « C’est une pratique du passé. Ce serait une grave erreur de la perpétuer. Il faut y mettre un terme car nous avons changé d’époque », a indiqué l’opposant.