Gabon : Le retour au PDG de Jean Eyeghe Ndong, ex-premier ministre et principal lieutenant de Jean Ping, conforte le statut de grandissime favori d’Ali Bongo Ondimba pour la présidentielle

Qu'il est loin de le temps où Jean Ping et Jean Eyeghe Ndong regardaient dans la même direction © DR

Tel l’enfant prodigue de la Bible, Jean Eyeghe Ndong, a annoncé samedi 4 mars qu’il était de retour dans « la maison du père », c’est-à-dire au sein du Parti démocratique gabonais (PDG), formation qu’il avait quitté il y a quatorze ans pour rejoindre l’opposition. Une décision lourde de signification à quelques mois de l’élection présidentielle.

C’est ce samedi 4 mars dans l’enceinte de l’école Martine Oulabou, sur l’avenue Jean-Paul II, dans le 2ème arrondissement de Libreville, en présence notamment du Premier ministre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, du Haut-Commissaire général de la République, Michel Essongue, de membres du gouvernement et de responsables du parti majoritaire, que Jean Eyeghe Ndong a « renoué la chaine des temps », pour reprendre l’expression d’un des membres présents.

« Voila que je prends ce jour la liberté. En votre présence camarade secrétaire général, je prends donc la liberté, solennellement, de réintégrer librement la maison du père. Le parti du président fondateur du Parti démocratique gabonais. Veuillez s’il vous plait, monsieur le représentant du secrétaire général, être le porteur de ma décision au Distingué camarade président du Parti démocratique gabonais, monsieur Ali Bongo Ondimba. Espérant qu’il daigne bien la recevoir », a déclaré d’une voix forte et claire Jean Eyeghe Ndong. Et d’ajouter : « désormais, j’accepte que les militants du Parti démocratique gabonais m’appellent ou m’interpellent : Camarade Eyeghe Ndong ».

Dans la foulée, le sénateur Luc Oyoubi, représentant le secrétaire général du PDG, a souhaité la bienvenue au nouveau camarade Eyeghe Ndong. « Cette maison du père est très vaste. Il y a de la place pour vous ainsi que tous vos militants. Nous vous attendons, dans le courant de la semaine prochaine pour accomplir les formalités administratives et juridiques notamment la signature de la fiche d’adhésion. C’est à ce moment-là que vous allez réintégrer juridiquement la maison du père », a réagi, avec un large sourire, le secrétaire général adjoint 1 du PDG, chargé des structures de base et des Affaires juridiques.

Un changement de trajectoire lourd de signification

Après avoir quitté le PDG suite à la mort d’Omar Bongo Ondimba dont il a été le dernier premier ministre, puis milité dans l’opposition avec l’Union nationale (UN) et soutenu Jean Ping lors et après la présidentielle de 2016, Jean Eyeghe Ndong, nommé Haut-Commissaire de la République en mars 2022, s’apprête à écrire un nouveau chapitre de sa carrière politique.

Mais il le sait, ce changement de trajectoire est lourd de sens d’un point de vue politique. « Jean Eyeghe Ndong dispose d’une stature que la quasi-totalité des opposants n’a pas. C’est un ancien premier ministre et il a été le principal lieutenant, le bras droit de Jean Ping. Sa défection du côté de l’opposition est donc un coup très rude pour elle », explique un professeur en science politique. 

Couronne de lauriers pour Bongo Ondimba, d’épines pour Félix Tshisekedi

Le coup est d’autant plus rude que « cette décision intervient à quelques mois seulement de l’élection présidentielle. Pour le président Ali Bongo Ondimba, chef du parti majoritaire, c’est une jolie prise de guerre. Ce retour de M. Eyeghe Ndong vient conforter son statut de grandissime favori du scrutin. Mais aussi un signal puissant. Il montre que la dynamique politique joue en sa faveur », complète l’universitaire.

« Vous remarquerez que son retour au PDG », poursuit-il, « intervient 36 heures à peine après le départ du président français Emmanuel Macron. Or, contrairement à ce qu’il a dit lors de son étape à Kinshasa où il a fait des remontrances au président RD congolais Félix Tshisekedi, laissant entendre que celui-ci n’avait pas été élu et qu’il n’était pas capable de redresser la situation dans son pays, en proie à une guerre à l’est, au Gabon, M. Macron s’est bien gardé de faire de telles remontrances à Libreville. Bien au contraire, il n’a eu de cesse d’encenser les autorités », fait remarquer l’universitaire. « C’est comme s’il avait remis une couronne de lauriers au président Ali Bongo Ondimba et une couronne d’épine à Félix Tshisekedi ».

La visite d’Emmanuel Macron a fait office de déclencheur

Une analyse partagée par ce député expérimenté de la majorité qui n’a jamais rompu le contact avec Jean Eyeghe Ndong, y compris en 2016. Pour lui, la visite du président français a fait office de déclencheur. « C’est comme si Emmanuel Macron avait fait sauter, dans l’esprit de certains acteurs, le dernier verrou, levé les dernières réserves (…) Il n’y aura pas d’intervention extérieure. C’est au Gabon, et au Gabon seulement, que ce jouera l’élection », conclut ce fin observateur de la vie politique gabonaise.

A ce jeu-là, face à un Ali Bongo Ondimba au plus haut de sa forme politique, l’opposition, divisée et désorganisée, n’a pratiquement aucune chance.