Gabon : « Le gouvernement veut seulement dépénaliser et non légaliser l’homosexualité, ce qui est très différent » (universitaire)

Au Gabon, le gouvernement n'entend pas légaliser mais dépénaliser l'homosexualité © DR

Alors que le premier ministre a affiché son intention de revenir sur la pénalisation de l’homosexualité, une disposition introduite en juillet 2019 dans le Code pénal gabonais, le débat commence à s’enflammer sur de ce sujet. Plusieurs figures de l’opposition, dont Alexandre Barro Chambrier, sont vent debout contre la mesure. Des personnalités du monde du spectacle prennent également position, à l’instar de la chanteuse Creol. Mais, « gare au simplisme et à toute généralisation excessive », avertit un professeur de droit de l’UOB qui se qualifie lui-même de conservateur en matière de mœurs. Explications.  

S’il est une question qui divise la société gabonaise, c’est bien celle de l’homosexualité.

Depuis que le premier ministre a affiché son intention de revenir sur sa pénalisation de l’homosexualité, le débat commence à monter et les esprits à s’échauffer. Ce weekend, poussé par le président de son parti, Alexandre Barro Chambrier, un député RPM du Woleu, notoirement hostile à la dépénalisation, Edgard Owono Ndong, a demandé un débat national sur le sujet.

Même la chanteuse Creol s’en est emparé. « Oui pour un Gabon aux couleurs tripartites vert-jaune-bleu, non pour un Gabon aux couleurs arc-en-ciel de la communauté LGBT », a-t-elle écrit ce lundi sur sa page Facebook.

Si le sujet enflamme les esprits, c’est certes qu’il est passionnel. Mais c’est aussi parce qu’il est l’objet, selon ce professeur de droit de l’UOB, de beaucoup de simplifications et de caricatures.

« L’intention du gouvernement n’est pas de légaliser l’homosexualité, mais de le dépénaliser, ce qui est très différent », fait d’emblée observer l’universitaire. « Dans le premier cas, il s’agit de consacrer juridiquement cette orientation sexuelle et de reconnaître des droits, ce qui va très loin comme la reconnaissance d’une union civile ou le droit à l’adoption ; dans le second cas, il s’agit simplement de ne pas condamner à de la prison et des amendes ceux qui partagent cette orientation mais sans leur accorder de droits. Et c’est bien ce que compte faire le gouvernement », précise ce professeur.

Au fond, rappelle l’universitaire, l’intention du gouvernement n’est ni plus ni moins que de revenir à l’état de la législation telle qu’elle était avant l’adoption il y a peu de cette disposition. « Celle-ci a été adoptée dans un contexte démocratique discutable. L’Assemblée nationale était alors suspendue dans l’attente des élections législatives. Et le Sénat, plutôt que de gérer les affaires courantes, a pris cette initiative », fait-il observer. Par ailleurs, « alors que l’on constate que partout ailleurs dans le monde et y compris en Afrique, les pays assouplissent leurs législations en la matière, le Gabon, s’il ne fait rien et entérine le status quo, prend le risque d’être à contre-courant de l’Histoire », ajoute-t-il.

Même s’il dit être très croyant et conservateur en matière de mœurs, ce professeur avoue être favorable au projet de dépénalisation de l’homosexualité. « Au fond, c’est plus conforme à l’esprit et à la tradition de tolérance qui prévaut au Gabon. Discriminer une personne sur la base de son orientation sexuelle est aussi abjecte que de le faire sur la base de sa couleur de peau. Or, ceux qui combattent le racisme devrait aussi combattre la pénalisation de l’homosexualité », plaide-t-il, ajoutant qu’il s’agit d’une « question de cohérence » et qu’il faut, sur ce sujet comme sur d’autres, se garder « d’essentialiser les personnes sur la base de tels ou tels critères, forcément réducteurs ».

« Pas plus que la couleur de peau, l’orientation sexuelle n’est pertinente pour révéler le tempérament d’une personne et sa singularité », conclut-il.