Gabon : Julien Nkoghe Bekalé, le nouveau Trump ?

Le premier ministre Julien Nkoghe Bekalé lundi 11 novembre © DR

Ces derniers temps, lors de ses prises de parole en public, le chef du gouvernement gabonais s’est illustré par des formules chocs, loin du ton policé adopté à ses débuts.

On pourrait presque parler désormais d’une marque de fabrique. Ces dernières semaines, le style oratoire du premier ministre gabonais a sensiblement évolué. Au point que celui-ci semble avoir adopté une verve toute trumpienne, du nom du président des Etats-Unis dont le langage direct, loin des codes de l’élite, résonne puissamment aux oreilles des classes moyennes et populaires du middle west.

Qu’on en juge. Le 5 novembre dernier, le premier ministre, venu conclure les travaux de la task force sur la santé, n’a pas hésité à tancer son auditoire, médusé : « Vous n’avez pas voulu faire le travail qu’on vous a demandé de faire. Vous avez philosophé, épilogué, des théories (…) On va confier ça au privé et on va voir comment ça va fonctionner (…) Celui qui ne veut pas, il part, il va travailler ailleurs », a vitupéré M. Nkoghé Bekalé, paraphrasant la célèbre formule de l’ex-directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba, Brice Laccruche Alihanga : « si tu boudes, tu bouges ! »

Rebelote ce lundi 11 novembre. Alors qu’il lançait la campagne de sensibilisation sur la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, le premier ministre, s’est exprimé sans filtre : « dans la pensée collective, nous, les hommes politiques, sommes tous des corrompus », disant ainsi tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

Parler cash

Est-ce un effet de mode passager ? Une posture de communication ? Ou bien ce franc-parler, aux accents que d’aucuns qualifieraient de populistes, correspond-t-il à la vérité profonde du personnage ? Sans surprise, les proches de Julien Nkoghe Bekalé plaident  pour cette dernière option. « On voit le premier ministre comme un personnage débonnaire, tout en rondeur. Mais il a toujours eu pour habitude de parler cash, de dire les choses directement. Là, c’est vraiment lui », affirme l’un de ses collaborateurs qui l’accompagne depuis plusieurs années.

Ce langage en tout cas semble plaire aux Gabonais qui reprochent souvent aux hommes politiques de jargonner, d’user de périphrases compliquées ou encore d’euphémismes aseptisée pour édulcorer la réalité. « Quand le premier ministre parle comme ça, on le comprend », s’exclame Marc, 18 ans, casque vissé sur les oreilles, qui passe le Bac cette année. Dans un  style bien différent, ce ministre proche de M. Nkoghe Bekalé ne dit pas autre chose. « ‘Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde’, disait Camus. C’est pourquoi quand un homme politique parle clairement, il faut le saluer », fait-il observer.

Ce lundi, sur son compte Twitter, le président gabonais Ali Bongo Ondimba s’est lui aussi fendu d’une formule tranchante : « Je serai intransigeant sur la discipline gouvernementale ». Le ton a beau être en apparence plus mesuré, hauteur présidentielle oblige, le message a en réalité sonné bruyamment, tel le tocsin, aux oreilles de la trentaine de membres du gouvernement. Il est vrai que le poids du message réside moins dans sa forme que dans l’identité du messager.