Gabon : Fébriles face à l’accumulation de preuves matérielles et de témoignages à charge, les avocats de Brice Laccruche Alihanga font tout pour lui éviter un nouveau procès

L'ex-directeur de cabinet de la Présidence, Brice Laccruche Alihanga © DR

L’ex-directeur de cabinet de la Présidence doit bientôt être jugé pour corruption et détournement de fonds publics dans le cadre de l’opération Scorpion. Face à l’accumulation de preuves matérielles et de témoignages à charge, ses avocats tentent le tout pour le tout pour éviter la tenue d’un nouveau procès. 

Cette semaine, pas moins de trois articles ont fleuri dans la presse française. Le dernier est paru ce dimanche dans le « JDD », un hebdomadaire hexagonale. Tous trois reprennent de manière unilatérale et sans nuance, le point de vue des avocats de Brice Laccruche Alihanga. A aucun moment, les faits allégués n’ont été vérifiés ou recoupés. BLA y est dépeint comme un « parfait innocent » victime d’un « régime répressif ».

La réalité est tout autre que celle dépeinte dans ces articles. Plusieurs faits ont été volontairement occultés, à commencer par la condamnation à cinq de prison de l’intéressé pour usurpation d’identité qui bloque toute extradition, l’objectif recherché en l’espèce… Mais passons sur le manque de rigueur et de cohérence. Si ces articles paraissent aujourd’hui, c’est parce que la date du « procès BLA » s’approche. Que cette fois-ci, ça n’est pas cinq ans de prison mais trente que risque l’ex-directeur de cabinet. Et que, ces derniers mois, le dossier de l’ex-directeur de cabinet de la Présidence a encore été alourdi. Des témoignages, comme celui de son ex-aide de camp, sont venus l’accabler (lire notre article). Les preuves matérielles des détournements de fonds publics et de corruption se sont, elles, accumulés.

Tout faire pour éviter un nouveau procès

« Le dossier est devenu impossible à plaider », reconnaissait il y a quelques semaines un proche de Brice Laccruche Alihanga. Pour lui, « le seul moyen est d’éviter ce procès ».

C’est bien aujourd’hui la stratégie des avocats de Brice Laccruche Alihanga. Et c’est une véritable course contre la montre qui est engagée. « Tout est fait pour tenter de l’extrader, des pressions diplomatiques aux articles dans la presse, avant la tenue d’un procès », indique une source proche du dossier, manifestement peu ébranlée. C’est l’état de santé du prévenu qui a été, pour ce faire, retenu. Alors que, selon les autorités gabonaises, des « soins appropriés » sont apportés à l’intéressé dont l’état de santé n’appelle « aucune attention particulière », les avocats, par médias interposés, tentent de grossir le trait. A les en croire, l’état de santé de l’ex-directeur de cabinet serait « alarmant » et nécessiterait (forcement…) une « extradition » en France.

Libreville voit parfaitement claire dans cette stratégie qui vise à lui mettre la pression en tentant de ternir son image, qui plus est la semaine de la venue de la secrétaire d’Etat adjointe des Etats-Unis, Wendy Sherman, et à quelques semaines de l’officialisation de l’adhésion du Gabon au Commonwealth.

Mais au Gabon, les temps ont changé. Et l’état d’esprit aussi. « Ce genre de ficelles, un peu grosses, fonctionnaient encore il y a une quinzaine d’années. Un article dans un média français provoquait alors l’émoi au Gabon. Mais ce temps est révolu. Les paradigmes ont changé », explique un ministre expérimenté.

Déni de justice

Du côté du ministère de la Justice, aucune réaction particulière. On se contente de rappeler le crédo habituel. « Le Gabon est un Etat indépendant. La justice gabonaise est indépendante. Elle n’a de leçon à recevoir de personne ». 

Dans le pays, hors le microcosme politico-judiciaire, l’affaire BLA ne suscite plus guère l’intérêt de l’opinion. Le signe qu’une page a été tournée. « Le pays est passé à autre chose. Nous avons d’autres préoccupations. D’autres problèmes à gérer », explique Martial, la trentaine presque révolue, directeur d’une agence bancaire à Libreville. « Ceux qui s’y intéressent malgré tout y voient en majorité une nouvelle tentative d’immixtion de la France dans les affaires internes du Gabon. Pour eux, c’est comme si la Justice gabonaise est incapable aux yeux de la France de juger les faits qui se sont produits sur son propre territoire, » explique-t-il. Avant de conclure : « le fait qu’il n’y ait pas procès est impensable. Ce serait un déni de Justice ».

Un état d’esprit bien perçu par les autorités qui entendent rester ferme sur le dossier. « C’est au Gabon dans les prétoires que se plaidera cette affaire. Certainement pas en France dans les médias », prévient une source haut placée. A l’évidence, les temps ont bien changé.