Gabon : En perte de vitesse sur le plan politique, Jean Ping s’en prend à nouveau à Sylvia et Noureddin Bongo

L'opposant Jean Ping mène une bataille difficile pour tenter de conserver son leadership au sein de l'opposition gabonaise © DR

Silencieux, voire taiseux, depuis ses propos sur les manifestations lycéennes début janvier, le leader de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR) a fait publier ce jeudi 20 février un communiqué dans lequel il s’en prend en des termes très virulents à la première dame et au coordinateur général des affaires présidentielles. 

C’est une stratégie de communication bien connue, le portage, qui consiste à utiliser la notoriété de tiers pour attirer à soi l’attention des médias. C’est cette technique qu’a utilisé Jean Ping dans un communiqué de la CNR diffusé ce jeudi 20 février.

Officiellement, ce communiqué a pour objet de dénoncer l’arrestation d’un cyber-activiste gabonais, Karl Mihindou Mi Nzamba. Mais rapidement, le propos glisse vers d’autres cibles, plus porteuses médiatiquement : la première dame Sylvia Bongo Ondimba et le coordinateur général des affaires présidentielles Noureddin Bongo Ondimba.

A en croire ce communiqué, le Gabon serait « désormais sous la férule de Sylvia et Noureddin Bongo Valentin » et en proie à une entreprise généralisée de « manipulation » et d’« intimidation ». Tout cela, est-il écrit, « dans un but de dévolution monarchique du pouvoir » au profit de Noureddin Bongo Valentin. Soit la vulgate habituelle de cette frange de l’opposition.

Sans surprise, le communiqué se termine par un énième appel de la CNR en faveur d’ « une passation pacifique des charges » du pouvoir présidentiel au profit de Jean Ping, « seule voie possible pour une sortie de crise », indique-t-il.

Une preuve de vie politique

Quel effet aura ce communiqué ? Aucun probablement, à l’instar des précédents, comme l’explique un professeur en science politique de l’UOB. « Ce communiqué peut s’analyser comme une preuve de vie politique. C’est une manière de montrer que Jean Ping est encore là même si le jeu s’est singulièrement compliqué pour lui ces dernières années et qu’il n’est plus en capacité de dicter l’agenda politique », explique l’universitaire. Ce faisaint, explique-t-il, « M. Ping glisse peu à peu de la posture d’acteur politique à celle de commentateur, réagissant après coup aux événements. Aujourd’hui, à l’interpellation de ce cyber-activiste, hier aux manifestations lycéennes ou à la remise en liberté de Landry Washington. »

Ces dernières semaines, l’ex-candidat malheureux de l’opposition en 2016 s’est résolu à faire son deuil du soutien de l’Union européenne et de la France qu’il a en vain recherché. L’UE a décidé de renouer le dialogue politique avec le Gabon courant décembre 2019. Quant à la France, son secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, lors de sa venue à Libreville en janvier a snobé Jean Ping, malgré ses demandes pressantes de rendez-vous.

Sans soutien extérieur, Jean Ping est d’autant plus affaibli à l’intérieur, sur la scène nationale, dans son propre camp politique. Considéré comme dépassé par la jeune garde (notamment le collectif Appel à Agir), il est de plus en plus ouvertement critiqué par les vieux barons de l’opposition, à l’instar de Guy Nzouba-Ndama, le président des Démocrates, premier parti d’opposition à l’Assemblée nationale avec dix députés, avec lequel les relations sont à couteaux tirés.

Confronté à l’hémorragie de ses soutiens de 2016, Ping a ces derniers temps durci son discours. Au point parfois de déraper, comme en septembre et octobre derniers où il a tenu des propos ouvertement xénophobes ou encore début décembre lorsqu’il s’en est pris de façon virulente et avec misogynie à – une fois encore – Sylvia Bongo Ondimba.

Franck Ping en embuscade

Pour notre professeur en science politique de l’UOB, l’attitude de Jean Ping n’est nullement surprenante. « C’est un grand classique. Quand vous êtes marginalisé, vous êtes contraint à vous radicaliser pour continuer d’exister », explique l’universitaire qui juge impossible une nouvelle candidature de Jean Ping à l’élection présidentielle en tant que chef de fil de l’opposition. Aujourd’hui, M. Ping « est artificiellement maintenu en vie politique par quelques médias et une poignée d’activistes sur les réseaux sociaux mais la roue semble, pour lui avoir définitivement tournée », analyse-t-il, cinglant.

Jean Ping, qui aura 81 ans en 2023 lors de la prochaine présidentielle, et son clan en ont-ils pris conscience ? Possible. Aujourd’hui, même son propre fils, Franck Ping, s’est mis sur les rangs pour briguer sa succession (lire notre article). Au cas où…