Gabon : En perte de vitesse sur le plan politique, Guy Nzouba-Ndama réduit à s’attaquer violemment au président et à sa famille pour se relancer

Guy Nzouba-Ndama lors de sa tournée début août 2022 dans le Haut-Ogooué © DR

En tournée dans le Haut-Ogooué, le président des Démocrates, qui fait face à des défections sans précédent dans ses rangs, multiplient les déclarations outrancières. Histoire de ne pas se faire oublier. 

« Ils les enfilent comme des perles », raille un responsable altogovéen du PDG.

En déplacement la semaine dernière dans le Haut-Ogooué, Guy Nzouba-Ndama a multiplié les déclarations tapageuses. « Outrancières », reprend aussitôt ce responsable local du parti majoritaire.

Mais le 4 août dernier, lors d’une causerie politique à Bakoumba, devant des rangs (très) clairsemés, le président des Démocrates s’est montré particulièrement virulent.

« Depuis que le Président est tombé malade, on ne sait plus qui commande le Gabon », a cru bon de déclarer M. Nzouba Ndama, dénonçant un supposé « cafouillage » qui se serait « érigé en norme au sommet de l’Etat ».

Non content de s’en prendre au chef de l’Etat, l’ancien président de l’Assemblée nationale, qui fut en son temps un pilier du pouvoir, s’en est pris à sa famille, sa femme et son fils ainé en particulier, violant par la même une règle non écrite de savoir-vivre en usage y compris dans le débat public.

« Aujourd’hui c’est maintenant la femme du Président et son fils qui sont les Chefs du Gabon », a-t-il affirmé, avant d’appeler à « restaurer la République parce que le pays est par terre ».

Des déclarations réitérées quelques jours plus tard à Okondja, une autre localité du Haut-Ogooué : « Lorsque dans un pays la femme du chef est accusée, le fils du chef est accusé, le chef est nu. Et quand le chef est nu devant tout le monde, ce n’est plus un chef. »

Se montrer outrancier pour tenter d’exister

Si certains y voient un « dérapage », ce professeur de science politique à l’UOB évoquent plutôt une « tactique » de la part de quelqu’un qui joue son « va-tout ».

« Politiquement, M. Nzouba-Ndama traverse une passe très difficile. Ces derniers mois, plusieurs figures des Démocrates ont claqué la porte du parti. C’est le cas de Jean-Norbert Diramba et de Jean-Pierre Doukaga Kassa qui ont rejoint le gouvernement, ou encore de Maxime Ondimba, nommé Haut-commissaire de la République », rappelle l’universitaire. « Mais il ne s’agit-là que de l’arbre qui cache la forêt », ajoute-t-il, précisant « que l’érosion est encore plus importante parmi les militants ».

« Le début de la tournée de M. Nzouba-Ndama s’est fait dans une relative confidentialité. Du coup, pour tenter d’exister, notamment dans les médias, le président des Démocrates a choisi d’utiliser cette vieille ficelle de communication politique : faire des déclarations très offensives et se livrer à des attaques ad hominem. En homme politique madré, il sait que c’est la meilleure façon d’être repris par une partie des médias et de faire le ‘buzz’ sur les réseaux sociaux », complète l’universitaire, l’un des plus fins analystes politiques du pays.

Toutefois, selon lui, ce procédé est « à courte vue ». « Certes, cela permet de faire parler de soi sur le moment. Mais est-ce suffisant pour inverser une dynamique politique défavorable ? J’en doute », confesse ce professeur d’université qui ajoute qu’ « à un an de l’élection présidentielle, l’opposition gagnerait à développer un programme alternatif et parler des préoccupations quotidiennes des Gabonais. Se contenter de lancer des piques au président ne sera pas suffisant pour permettre à l’opposition de faire un bon résultat », prévient-il.

Ali Bongo Ondimba laissé seul sur le champ de bataille

Pour cet ex-ministre passé il y a quelques années dans les rangs de l’opposition et qui semble désormais regretter son choix, les propos, qu’il qualifie de « caricaturaux », du président des Démocrates ont une autre explication. « Guy Nzouba-Ndama est lancé dans une course au leadership de l’opposition. Ses adversaires directs sont Jean Ping, Alexandre Barro-Chambrier, Paul-Marie Gondjout ou encore Paulette Missambo. Pour se démarquer, il est contraint d’aller un cran plus loin dans ses déclarations que ces concurrents, quitte à verser dans l’outrance », explique cet homme politique très expérimenté. « En réalité, même si cela semble paradoxal, en s’attaquant au président et à sa famille, ce qui devrait constituer une ligne rouge, c’est aux autres leaders qu’il s’adresse en leur donnant cet avertissement : ‘ne me négligez pas car moi aussi, je suis dans la course' », indique l’ex-ministre.

Mais ce qui étonne, pour ne pas dire choque, le plus cet ex-membre du gouvernement, c’est moins les déclarations de Nzouba-Ndama, « une tactique convenue » qu’il juge lui aussi « médiatiquement payante à très court terme mais peu efficace politiquement à moyen-long terme », que le silence pesant dans les rangs de la majorité. « De notre temps, quand le président était attaqué, on le défendait bec-et-ongle. Aujourd’hui, on s’en prend au président, à sa femme, à son fils, et personne, parmi les ministres ou les principaux responsables du PDG, ne se lève pour prendre sa défense », constate-t-il, ajoutant : « c’est effarant ! » Comme si le général Ali Bongo Ondimba était laissé seul sur le champ de bataille.