Gabon : Brice Laccruche, Maixent Accrombessi, Sylvia Bongo… « Le problème de Jean Ping, c’est qu’il voit des mains noires partout »

Jean Ping, tête basse, à l'issue de son allocution publique ce mardi 10 décembre à Libreville @ DR

En perte de vitesse, l’ex-leader de l’opposition a fait une déclaration publique dans laquelle il a dénoncé une nouvelle fois une « main noire » à l’oeuvre au Gabon. 

« Le problème avec Jean Ping, comme beaucoup de personnes qui a un moment donné ont eu de hautes responsabilités avant d’en être écartées, c’est de voir des mains noires à l’oeuvre en permanence, des complots partout» Cette confession, c’est celle d’un vieux compagnon de route de Jean Ping qui l’a soutenu lors de l’élection présidentielle de 2016 mais qui, depuis, s’en est progressivement détourné. « En raison d’une stratégie qui ne mène nulle part », se défend l’intéressé aussitôt qui revendique toujours sa « fidélité à l’homme»

Ce mardi 10 décembre, à l’occasion d’une énième allocution publique à son QG du quartier des Charbonnages dans le 1er arrondissement de Libreville, l’ex-leader de l’opposition a, comme il en a l’habitude, dénoncé une « main noire » – comprendre un groupe de gens aux ambitions inavouées – qui, selon lui, serait à l’oeuvre pour déstabiliser le Gabon.

Un procédé loin d’être inédit pour M. Ping qui, en réalité, est coutumier du fait. Déjà, lors de sa dernière sortie publique, le 12 octobre dernier, le patron de la CNR s’en était pris à celui qui, faisait-il mine de croire à l’époque, dirigeait à l’en croire le Gabon : Brice Laccruche Alihanga.

« Le Gabon est un pays sans capitaine ni boussole, livré au gré aux convoitises, notamment de celui qui dans la bande, sera le plus malin, le plus cynique, le plus vorace. Parmi eux, celui qui va aujourd’hui le plus loin, un repris de justice (sic !), se distingue en jouant de la confusion de ses identités et de ses nationalités (…) », avait-il déclaré visant explicitement M. Laccruche Alihanga, le qualifiant au passage de citoyen français.

Même procédé que lors de sa dernière allocution 

Rebelote aujourd’hui, Jean Ping, en manque d’inspiration semble-t-il, a repris le même procédé, se contentant simplement de changer les noms. L’objet de son courroux n’est en effet plus dirigé contre Brice Laccruche Alihanga – et pour cause, l’ex-directeur de cabinet est aujourd’hui en garde à vue dans le cadre de l’opération anti-corruption – mais contre Maixent Accrombessi, le prédécesseur de M. Laccruche Alihanga, ainsi que l’épouse du président, Sylvia Bongo Ondimba.

« Ces derniers jours, nous avons vu le démantèlement de la dernière bande qui avait mis la main sur l’État. Aujourd’hui, c’est une autre bande, la bande à Sylvia qui tire les ficelles et s’oppose résolument à la libération de notre pays qui n’a que trop tardé, une libération qui est désormais urgente et impérative pour le peuple gabonais », a vitupéré l’opposant sur le déclin.

A côté de « la bande à Sylvia », celui qui se présente comme « le président élu du Gabon » dénonce également la présence de « la bande du béninois [Maixent] Accrombessi », l’ex-directeur de cabinet à la Présidence (2009-2016), qui, selon lui, « interfère dans les affaires du Gabon »« L’impunité dont croit bénéficier ce personnage ne durera pas aussi longtemps qu’il se mettra en travers du libre choix des Gabonais. Les péripéties récentes devraient lui enseigner la prudence et la sagesse d’un renoncement », menace Jean Ping à l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo.

Contraint d’aller un cran au-dessus dans l’outrance pour ne pas se laisser débordé

Même s’il ne s’agit, sur le fond, que de propos d’estrade, d’effet de manche, Jean Ping n’avait, en réalité, d’autres choix que de se livrer à une telle diatribe.

En retard sur les autres leaders de l’opposition qui ont tous déjà pris la parole pour dénoncer la nomination de Noureddin Bongo Valentin au poste de coordinateur des affaires présidentielles (Alexandre Barro Chambrier vendredi, Zacharie Myboto samedi, le collectif Appel à agir dimanche, etc.), Jean Ping se devait d’aller un cran au-dessus dans l’outrance pour ne pas paraître comme débordé par une jeune garde pleine d’énergie.

L’ex-leader vieillissant de l’opposition (il aura 81 ans lors de la prochaine élection présidentielle) a donc tenté par la virulence de ses propos de refaire son retard afin de conserver son leadership de ce côté-ci de l’échiquier politique. C’était là le véritable enjeu pour Jean Ping de son allocution publique d’aujourd’hui et c’est aussi là que se trouve l’explication du caractère excessif de ses propos.