Gabon / Affaire Tony Ondo Mba : Le président de l’Assemblée nationale, Faustin Boukoubi, joue-t-il un double jeu ?

Faustin Boukoubi, le président de l'Assemblée nationale du Gabon @ DR

Hier mardi, l’ex-ministre de l’Energie et des Ressources hydrauliques, Tony Ondo Mba, a tenté à la hâte de récupérer son siège de député en rencontrant le président de l’Assemblée nationale, Faustin Boukoubi. Las, la démarche n’ayant pu aboutir dans des délais aussi courts, l’intéressé, non couvert par l’immunité parlementaire, a été interpellé peu de temps après cet entretien par les services de la Direction générale des Recherches (DGR). 

L’épisode a donné lieu à quantité de fake news. Tout et son contraire ont été écrits à ce sujet. Ce matin, on sait exactement ce qui s’est passé lors de l’entretien entre Tony Ondo Mba et Faustin Boukoubi.

L’entretien entre Faustin Boukoubi et Tony Ondo Mba a-t-il eu lieu et si oui quand ?

Oui, une entrevue a bien eu lieu hier matin entre le président de l’Assemblée nationale et l’ex-ministre limogé la veille du gouvernement. Au même moment, en présence du procureur adjoint de la République de Libreville, une perquisition au domicile de M. Ondo Mba était effectué dans le cadre de la vaste opération anti-corruption lancée il y a bientôt un mois au Gabon et visant d’ex-hauts responsables publics.

Qui était présent à cet entretien ?

Outre Faustin Boukoubi et Tony Ondo Mba, Jean-Fidèle Otandault, lui aussi sorti la veille du gouvernement, ainsi que le vice-président de l’Assemblée nationale et président du groupe parlementaire du parti pour la Restauration des Valeurs (RV), Serge Ndong Obame, étaient en autres présents, de même que certains des vice-présidents de la chambre basse.

Quel était l’objet de cet entretien ?

Un communiqué, daté du mardi 3 décembre et signé du 6ème vice-président de l’Assemblée nationale Raphaël Ngazouze, indique que « les anciens ministres Tony Ondo Mba et Jean-Fidèle Otandault sont venus présenter leurs civilités à Monsieur le président de l’Assemblée nationale et s’enquérir en leur qualité d’élus des communes de Bitam et de Port-Gentil des formalités à remplir quant à leur réintégration (en tant que députés) au sein de l’institution. »

En réalité, comme nous l’ont confirmé deux des participants présents lors de cet entretien, les choses ont été plus directes. Tony Ondo Mba a directement fait part de son souhait de récupérer sur le champ son statut de député et de remplir à cette fin les formalités requises. A l’appui de sa requête, en guise de justification, l’ex-ministre a notamment évoqué la tenue d’une session plénière à laquelle il souhaitait participé.

Pourquoi Tony Ondo Mba a-t-il demandé à récupérer sur le champ son statut de député ?

Elu député de Bitam (province du Woleu-Ntem) en octobre 2018, Tony Ondo Mba a continué a exercé ses fonctions de ministre. C’est donc son suppléant qui a siégé à sa place et qui, de ce fait, bénéficie de l’immunité parlementaire. Manifestement, si l’ex-ministre, très proche de Brice Laccruche Alihanga, qui se savait dans le viseur de l’opération anti-corruption actuellement en cours au Gabon, a tenté de récupérer son siège à l’Assemblée nationale, c’est pour pouvoir bénéficier de cette protection et ainsi se soustraire à la Justice.

Quelle a été la position du président de l’Assemblée nationale vis-à-vis de la requête de Tony Ondo Mba ?

Le communiqué de l’Assemblée nationale ne dit rien à ce sujet et peut même prêté à ambiguïté. Pourtant, toujours selon deux des participants à cet entretien, Faustin Boukoubi aurait indiqué aux deux ministres, dont M. Ondo Mba, qu’il n’était pas possible en la circonstance et dans des délais aussi courts d’effectuer une telle démarche. De fait, il a opposé une fin de non recevoir à leur demande.

En attendant, l’attitude, quelque peu ambiguë du président de M. Boukoubi, laisse perplexe. « L’assemblée nationale donne l’impression de sortir le parapluie, de vouloir refiler la patate chaude à quelqu’un d’autre. Elle n’assume manifestement pas ses responsabilités », commente un député de l’opposition qui rappelle que « le 11 novembre dernier, peu de temps après leur limogeage, les deux ex-ministres, Justin Ndoundangoye et Arsène Nkoghe, avaient, eux, récupéré en l’espace d’une matinée seulement leur siège de député. »

Cette fois-ci manifestement, l’Assemblée nationale et son président ne l’ont pas entendu ainsi.