France : une expertise psychiatrique ordonnée par la Justice contre une opposante à Emmanuel Macron

Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement National, l'un des principaux partis d'opposition en France © MLP Officiel

L’affaire fait grand bruit en France. La Justice a ordonné une expertise psychiatrique à l’encontre de Marine Le Pen, l’une des principales opposantes au président français Emmanuel Macron. Une décision dénoncée par un large spectre de la classe politique et qui illustre, selon les observateurs, la politisation de l’institution judiciaire en France. 

C’est une histoire folle. En décembre 2015, Marine Le Pen, la présidente du Front Nationale, avait été mise en examen par le parquet de Nanterre (près de Paris) pour apologie du terrorisme islamique après avoir publié des photos des victimes de Daech sur son compte twitter en réponse à un journaliste français (Jean-Jacques Bourdin sur BFM/RMC) qui avait fait un parallèle, jugé très hasardeux, entre cette organisation terroriste et le Front national.

Les médias publics français, qui penchent largement à gauche et qui ont un traitement très idéologique de l’actualité, ont aussitôt tenté moins d’expliquer que de justifier cette décision judiciaire en arguant du fait que le Code de procédure pénal prévoyait son « automaticité ». Une interprétation en réalité spécieuse car la loi prévoit bien une telle disposition, mais le juge a la possibilité d’en dispenser l’application. Ce qui aurait du être le cas en l’espèce. Marine Le Pen, qui a terminé seconde lors de la dernière élection présidentielle française en 2017, n’étant pas, c’est le moins que l’on puisse dire, une inconnue dont il faudrait sonder l’état mental.

La décision du parquet de Nanterre a choqué la très grande majorité de la classe politique française, y compris les opposants les plus résolus à Marine Le Pen. A commencer par Jean-Luc Mélenchon, le président de La France Insoumise (LFI). « [Je suis en] désaccord total avec la psychiatrisation de la décision politique. Madame Le Pen est politiquement responsable de ses actes politiques. Tous les moyens ne sont ni bons ni acceptables pour la combattre. Ce n’est pas avec des méthodes pareilles qu’on fera reculer l’extrême droite », a-t-il écrit hier sur son compte Twitter.

« Marine Le Pen n’est pas folle et ça n’est pas ainsi que l’on combat une adversaire politique« , a reconnu, quant à lui, ce matin Gabriel Attal, le porte-parole de La République en Marche (LREM), au micro de Radio Classique.

« Imaginez une seconde ce qu’auraient dit les médias français si la Justice gabonaise avait ordonné une expertise psychiatrique à l’encontre de Jean Ping ? »

Pour beaucoup, cette affaire illustre les dérives de l’institution judiciaire en France, régulièrement soupçonnée d’être politisée. La diligence avec laquelle elle avait mis en examen l’année dernière François Fillon, alors candidat à l’élection présidentielle, en pleine campagne électorale avait largement été perçue comme une tentative de peser sur le  résultat du scrutin. Quelques années auparavant, l’affaire du « mur des cons » impliquant l’un des principaux syndicats de magistrats en France, classé à gauche, qui s’en était pris à Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait également alimenté les soupçons de politisation d’un large pan de la magistrature en France et égratigné son image d’impartialité.

« Il est difficile de ne pas voir dans cette affaire une volonté d’humilier publiquement une adversaire politique », explique un professeur de droit public de l’UOB, qui a fait ses études en France et qui est passionné par la vie politique hexagonale. « Cela pourrait donner l’impression que la Justice cherche à psychiatriser la dissidence politique. Un procédé qui rappelle ceux utilisés dans les régimes totalitaires », indique l’universitaire.

Et celui-ci de lancer, non sans malice : « imaginez une seconde ce qu’auraient dit les médias français si la Justice gabonaise avait ordonné une expertise psychiatrique à l’encontre de Jean Ping ? » On imagine aisément…