[Fact checking] Affaire des conditions d’incarcération de Brice Laccruche Alihanga au Gabon : pourquoi la juge française Elodie Meyrianne doit tempérer ses ardeurs

L'ex-directeur de cabinet de la Présidence, Brice Laccruche Alihanga © DR

Selon un article paru ce vendredi 22 avril dans La Lettre du Continent, la juge d’instruction française Elodie Meryanne, qui enquête depuis l’année dernière sur les conditions d’incarcération de l’ancien directeur de cabinet de la Président gabonaise, en prison depuis fin 2019, aurait eu l’intention d’entendre à titre de témoin le président Ali Bongo Ondimba avant de rétropédaler sous la pression du ministère français des Affaires étrangères. La réalité est quelque peu différente… 

D’une part, il n’est pas avéré que le la juge française a tenté de convoquer le président gabonais. Juridiquement, Ali Bongo Ondimba, en tant que chef de l’Etat, est couvert par l’immunité diplomatique.

Surtout, une telle convocation serait diplomatiquement inenvisageable. Elle se heurterait au principe de souveraineté des Etats, fondement des relations internationales. « Nulle part dans le monde le président d’un pays ne peut être convoqué par la justice d’un autre pays. C’est de la pure fiction », explique un professeur de droit international de l’UOB.

Partant, on peine sérieusement à imaginer qu’un juge français, sain d’esprit, a pu caresser le rêve de convoquer, fut-ce comme témoin, le président d’un pays étranger, fût-il gabonais…

D’une manière générale dans ce dossier, si la juge française est « invitée » à mettre de l’eau dans son vin, ce n’est pas suite à une intervention du Quai d’Orsay, mais en raison de la fermeté de Libreville qui a d’emblée fixé les lignes rouges. Le Gabon est d’accord pour coopérer avec la justice française dans ce dossier (comme le montre l’audition du porte-parole de la Présidence, Jessye Ella Ekogha, en février dernier) mais dans la limite du droit et du respect de sa souveraineté. En clair, c’est Libreville qui dicte les règles du jeu, à charge pour Paris de s’y plier.

Preuve de cette position ferme : l’ex-coordinateur général des affaires présidentielles, si tant est qu’il soit un jour « convoqué » par la juge française, ne compte nullement, comme c’est son droit, y déférer. Ce sera également le cas d’autres collaborateurs, indique une source au sein du Palais Rénovation.

Sur ce dossier, Libreville est en position de force et Paris marche sur des œufs. En pleine guerre russo-ukrainienne, la France a besoin du Gabon qui siège pour deux ans au Conseil de sécurité de l’ONU. Libreville est par ailleurs l’un des partenaires les plus solides de la diplomatie française sur le dossier climatique. Enfin, le Gabon s’apprête à rejoindre, en juin prochain, le Commonwealth. Un coup dur pour l’influence française en Afrique, qu’il conviendrait de ne pas aggraver par des initiatives hasardeuses.