[Exclusif] Gabon : le Premier ministre et son gouvernement possiblement reconduit ce soir ou demain

Considéré comme le principal responsable de la crise institutionnelle au Gabon, Emmanuel Issoze Ngondet, le premier ministre, a remis le 1er mai 2018 sa démission au président de la République, Ali Bongo Ondimba. Source : DCP

Au Gabon, l’intervention de la Cour Constitutionnelle, qui a stupéfait les observateurs et a été saluée par la grande majorité de la classe politique, a permis d’éviter une crise institutionnelle majeure. Le premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, et son gouvernement en sont considérés comme les premiers responsables. Ils ont d’ailleurs été contraints par le Juge constitutionnel de démissionner. Pourtant, il y a de fortes chances qu’ils soient reconduits. L’annonce pourrait même en être faite ce soir ou demain. « La raison semble l’emporter sur l’émotion », explique une source gouvernementale en guise de justification.

Les décisions de la Cour Constitutionnelle prises lundi 30 avril continuent d’occuper la une de l’actualité au Gabon. Désormais, c’est la nomination d’un nouveau gouvernement qui monopolise les discussions dans les cercles de pouvoir à Libreville.

Considéré comme le principal responsable de cette crise institutionnelle en raison de son inaction et de son manque d’anticipation, Emmanuel Issoze Ngondet, qui a remis hier à 17h00 sa démission au président Ali Bongo Ondimba (voir photo), pourrait toutefois, selon plusieurs sources, être reconduit à son poste, en même temps que la quasi-totalité de l’équipe gouvernementale. L’annonce pourrait en être faite ce soir tard pour le premier et demain pour le second. De prime abord, une telle décision pourrait paraître surprenante. Mais, comme l’explique un ministre, « La raison semble l’emporter sur l’émotion ». Explication.

La Cour constitutionnelle impose des délais très courts pour nommer le nouveau gouvernement

Tout d’abord, la Cour Constitutionnelle n’a donné que peu de temps au président de la République pour nommer ce nouveau gouvernement en remplacement du précédent. Or, en un laps de temps aussi court, impossible de constituer une nouvelle équipe gouvernementale qui permette à la fois de réunir toutes les compétences nécessaires et d’équilibrer les différentes sensibilités, qu’elles soient politiques, géographiques, etc.

Un gouvernement à mission unique et à la marge de manœuvre limitée

Ensuite, la mission de ce nouveau gouvernement sera étroitement encadrée. Outre l’expédition des affaires courantes, celui-ci devra essentiellement veiller à l’organisation des prochaines élections législatives. Or, le Centre gabonais des élections (CGE), qui est chargé au premier chef de cette mission, est désormais sur pied, son président ayant été élu et ses membres nommés. « Durant cette période transitoire qui nous conduira aux élections législatives, le gouvernement devrait de fait être placé sous la tutelle de la présidence de la République qui suit désormais de très près ce dossier », explique un professeur en science politique de l’Université Omar Bongo.

Il faut aller vite car le temps presse pour organiser les élections législatives

La marge de manœuvre du nouveau gouvernement devrait être d’autant plus étroite que son action sera enserrée dans un calendrier resserré. L’objectif pour l’Exécutif gabonais étant selon toute vraisemblance d’organiser les élections législatives début septembre 2018.

Pas d’impunité mais une sanction probablement différée pour Emmanuel Issoze Ngondet

Enfin, pour le premier ministre et son équipe gouvernementale il ne devrait s’agir que d’un sursis. « Il faut prendre les choses dans l’ordre de priorité », explique un professeur de droit constitutionnel de l’UOB de Libreville. « L’important, c’est d’organiser rapidement les élections législatives et non de composer à la va-vite une nouvelle formation gouvernementale », indique cet universitaire qui poursuit : « le temps de la sanction viendra sans doute. M. Issoze Ngondet est considéré comme le premier responsable de cette crise institutionnelle. Il devra rendre des comptes, c’est certain, et il n’y aura pas d’impunité en raison des vives critiques dont il est l’objet. Il y a donc fort à parier qu’il ne sera pas reconduit après les élections législatives, y compris en cas de victoire de la majorité. »

Toutefois, tient à préciser l’un de ses confrères, lui aussi professeur de droit constitutionnel à l’UOB, « il serait injuste de tout mettre sur le dos du Premier ministre et de son gouvernement. La classe politique dans son ensemble, majorité comme opposition, n’est pas exempte de tout reproche. L’opposition en particulier, qui se drape dans les draps blancs de la vertu, a également sa part de responsabilité dans le retard pris dans l’organisation des élections législatives. Longtemps, elle n’a pu se mettre d’accord avec la majorité pour désigner de manière consensuelle leurs représentants au sein du Centre gabonais des élections », explique ce constitutionnaliste respecté de tous les côtés de l’échiquier politique gabonais.

« C’est le pragmatisme qui semble l’emporter. Encore une fois, l’urgence n’est pas à la recomposition d’une nouvelle équipe gouvernementale mais à l’organisation des élections. Il faut traiter les dossiers dans l’ordre de priorité », rappelle cet éminent constitutionnaliste.