Elections au Gabon : « forte abstention », pourquoi les commentateurs se trompent

Bureau de vote au Gabon © DR

Alors que le second tour des élections législatives vient de se terminer, certains commentateurs, proches notamment de l’opposition, insistent sur ce qu’ils considèrent être un « faible » taux de participation. A tort. Voici pourquoi. 

Pour l’opposition gabonaise, les élections législatives et locales d’octobre auront été catastrophiques. Face au raz-de-marée du PDG, le parti au pouvoir, celle-ci a tardivement tenté d’arguer, dans un réflexe pavlovien, d’une supposée fraude, sans en être elle-même tout à fait convaincue.

Mais pour tenter de faire diversion et de ne pas avoir à parler de ses résultats décevants lors des derniers scrutins, l’opposition a trouvé mieux : mettre en avant le taux de participation aux élections. « Dans l’esprit de ses principaux leaders, il s’agit à la fois de faire à la fois diversion et de minorer la victoire du parti majoritaire. C’est la stratégie classique du contre-feux », explique un professeur en science politique de l’UOB.

Certes, le taux de participation lors du premier tour n’est ressorti qu’à 3 , %. Mais de là à le monter en épingle pour en faire l’un des principaux enseignements de ces scrutins d’octobre, il y a un grand pas que l’opposition et certains médias n’ont pourtant pas hésité à franchir. A tort en réalité.

Tout d’abord, il convient de noter que les élections intermédiaires (qui suivent une présidentielle) sont traditionnellement marquées par une faible participation. Ce fut le cas au Gabon lors des deux précédents scrutins de même nature, ce que peu de commentateurs avisés ont pris la peine de relever.

Ensuite, il faut souligner que ce phénomène n’est ni spécifiquement gabonais, ni même africain. C’est un phénomène universel qui touche la très grande majorité des pays dans le monde, tous ceux pratiquement dans lesquels le vote n’est pas obligatoire. Dans quelques jours, des élections de midterms auront lieu aux Etats-Unis. Il est fort à parier que l’abstention sera élevée, comme elle l’a toujours été à l’occasion de tels scrutins.

L’opposition au moins aussi responsable que la majorité

Ensuite, il faut également noter que des traits propres à ces élections ont pu dissuader certains électeurs de se rendre aux urnes. Le fait que les législatives soient couplées aux locales, une grande première au Gabon, a pu perturber nombre d’entre eux. De même que le fait que le parti au pouvoir a réalisé un score très important dès le premier tour des législatives aura sans doute pour conséquence sur la moindre mobilisation de l’électorat lors du second tour, les jeux étant déjà largement faits.

Enfin, comme l’indique notre universitaire, professeur à l’UOB, l’opposition a tort d’utiliser le taux de participation pour en faire une arme contre la majorité. « L’opposition est au moins aussi responsable, sinon plus, que la majorité de ce faible taux de participation. En effet, traditionnellement, ses électeurs sont censés se mobiliser davantage pour tenter d’inverser dans les urnes le rapport de force politique face à la majorité en place. Le fait que ça n’a pas été le cas cette fois-ci peut être perçu comme le signe que son offre programmatique n’a pas été jugée suffisamment crédible, en tout cas attractive, aux yeux d’une très large majorité de l’électorat, notamment celui qui a voté pour elle en 2016 », explique l’universitaire avant de conclure : « voilà pourquoi elle devrait, en bonne logique, faire profil bas sur le sujet. »