[Éditorial] L’affaire des conteneurs disparus de kevazingo marque une rupture radicale dans la lutte anti-corruption au Gabon

Ali Bongo Ondimba et Julien Nkoghe Bekalé © DR

Cette semaine, au Gabon, il s’est produit un événement tout sauf anodin, un mini-séisme. Pour la première fois, suite à un scandale de corruption, la justice a fait preuve d’une inhabituelle diligence, en ouvrant rapidement une enquête et en ordonnant prestement des mises en examen. 

Même célérité du côté des autorités, et c’est peut être là le fait le plus marquant. Hier, le gouvernement a décidé de suspendre à titre conservatoire 13 hauts fonctionnaires dont les directeurs de cabinet et secrétaires généraux du ministère des Eaux et Forêts et celui de l’Économie, mais aussi le directeur général des Douanes. Tout sauf des seconds couteaux.

Mieux, la porte-parole du gouvernement, Nanette Longa-Makinda, a prévenu que les sanctions administratives, en attendant les sanctions judiciaires, seraient suivis de sanctions politiques. Les termes sont pudiques. Mais le message est clair. « Les membres du gouvernement qui seraient impliqués dans cette affaire sont invités à en tirer toutes les conséquences », a déclaré Mme Longa-Makinda. Il ne s’agira donc pas, cette fois-ci, de faire payer les lampistes pour contenter l’opinion. En rupture radicale par rapport à ce que l’on a connu dans le passé.

Redisons-le, au Gabon, c’est un précédent. Pourquoi s’est-il donc produit ? La réponse tient en la conjonction de trois facteurs. Tout d’abord, une affaire choquante, incompréhensible pour l’opinion, dont la sensibilité, exacerbée, et l’intolérance à certaines pratiques ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’hier.

Ensuite, une volonté politique au plus haut niveau. Rien ne sert de le nier, si la machine judiciaire et le gouvernement se sont pleinement saisis de cette affaire, c’est parce qu’Ali Bongo a tapé du poing sur la table. Et, s’il a tapé du poing sur la table, c’est parce qu’en l’espèce, l’autorité de l’État et, avec elle, la sienne propre, ont été défiées.

Enfin, un contexte favorable. En dépit des ratés de l’opération Mamba, les autorités gabonaises ont fini par se résoudre, et c’est heureux, qu’il était dans leur intérêt de diminuer le niveau de corruption dont l’intensité était devenue insolente. C’est le sens des propos du porte-parole de la présidence, Ike Ngouoni, lundi dernier. « La corruption n’a plus sa place au Gabon », a-t-il tonné.

En attendant cet idéal, qui n’existe nulle part, on peut au moins dire que la corruption a aujourd’hui nettement moins sa place au Gabon que dans un passé récent. La tournure que prend l’affaire des 353 conteneurs disparus de kevazingo en est une preuve.