[Éditorial] Gabon : L’opposition, les lièvres et la tortue 

L'opposant gabonais Guy Nzouba Ndama a formé une nouvelle coalition @ Facebook/Team Nzouba Ndama

Alors que la déclaration de la vacance présidentielle tient lieu d’unique horizon pour l’opposition radicale, Guy Nzouba Ndama a, lui, adopté une autre stratégie. A travers la création de la Coalition démocratique de l’opposition, il vise l’élection présidentielle de 2023.

Qui ne connaît pas « Le lièvre et la tortue » ? Au Gabon, c’est un remake de la plus célèbre fable de Jean de la Fontaine qui est en train de se jouer.

D’un côté les lièvres. Réunis au sein de l’opposition radicale, ou l’on retrouve tout à la fois de vieux leaders (Jean Ping, Zacharie Myboto…) et de jeunes loups (Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Nicolas Nguema…), leur stratégie consiste, via une multiplication d’appels, à tenter de faire déclarer la vacance du pouvoir présidentiel.

Une stratégie de court terme, pour ne pas dire court-termiste, probablement destinée à faire du buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux mais vouée à l’échec sur le plan politique. Des centaines d’appels de ce genre ont eu lieu depuis les ennuis de santé fin octobre d’Ali Bongo Ondimba. Aucun n’a abouti et, à l’évidence, aucun n’aboutira. Et pour cause, les Gabonais savent dans leur écrasante majorité que le président est rétabli, qu’il est aux commandes et qu’il s’apprête à rentrer définitivement au pays. Pour eux, le débat est caduque. Fermez le ban.

C’est ce constat qui a motivé Guy Nzouba Ndama à adopter une stratégie alternative. En annonçant cette semaine la création d’une Coalition démocratique de l’opposition, celui-ci s’inscrit dans le temps long. Son objectif ? La présidentielle de 2023. Pour préparer cette échéance, le roué président des Démocrates sait que « rien ne sert de courir, il faut partir à point ».

Pour se donner les moyens de son ambition, l’ex-président de l’Assemblée nationale se prépare sur trois fronts. Un, le front institutionnel. Son parti, Les Démocrates, a pris part, contre l’avis de Jean Ping, aux élections législatives d’octobre dernier. Bien lui en a pris. Avec douze députés, il a réussi à former le premier groupe d’opposition au sein de la première chambre.

Deux, le front partisan. D’où la création de sa propre coalition qui vise à concurrencer directement le leader de la CNR et à prendre de vitesse les autres leaders de l’opposition, à l’instar d’Alexandre Barro Chambrier, le patron du RHM.

Trois, le front idéologique. Lors de l’annonce de la création de sa coalition démocratique de l’opposition, Guy Nzouba Ndama a insisté sur sa volonté de « travailler sur les idées », sur la formulation de « propositions concrètes pour répondre aux attentes des Gabonais ». Précisément ce que ne fait plus l’opposition depuis 2016. En se complaisant dans une posture exclusive de dénonciation, l’opposition gabonaise s’est auto-condamnée à la marginalité. D’où ses résultats catastrophiques lors des élections générales d’octobre dernier. Ce constat, Guy Nzouba Ndama l’a clairement brossé. Il compte bien y remédier.

Sans doute le président des Démocrates est-il un adepte des fables de La Fontaine. Sa stratégie rappelle bigrement « La cigale et la fourmi ». Pendant que l’opposition radicale chante (dans les médias) et danse (oubliant de travailler sur le fond et comptant sur un coup de pouce du destin pour s’emparer du fauteuil présidentiel), l’ex-PAN pousse patiemment ses pions. Au final, la tortue pourrait bien coiffer les lièvres sur le poteau…