[Éditorial] Gabon : L’appel à agir de quelques opposants, le bœuf et la grenouille

Le collectif Appel à agir tente, non sans difficulté, de rallier à sa cause les principaux ténors de l'opposition. Ici, avec Alexandre Barro Chambrier, le président du RHM, le 7 mars dernier @ DR

A l’occasion du retour définitif d’Ali Bongo au Gabon, certains se sont vus, à l’évidence, plus gros politiquement qu’ils ne sont en réalité. 

La fable de La Fontaine a beau avoir été écrite au 17ème siècle en France, elle n’en demeure pas moins universelle. Elle sied, en tout cas, parfaitement au contexte gabonais actuel.

D’un côté, le bœuf : Ali Bongo Ondimba, qui a signé son grand retour au pays ce samedi 23 mars après cinq mois d’absence en raison d’ennuis de santé. « Des dizaines de milliers de Gabonais sont venus l’accueillir à sa sortie de l’aéroport », selon les autorités. Différentes sources évoquent le chiffre de 18 000 à 23 000 personnes réparties tout au long du trajet, de l’Aéroport International Léon Mba à la résidence privée du chef de l’Etat, située dans le quartier de La Sablière à Akanda.

De l’autre côté, la grenouille : une poignée d’opposants regroupés dans le collectif « appel à agir ». « Des seconds couteaux sans aucune représentativité », raille-t-on du côté de la majorité. De fait, aucune des pointures de l’opposition ne figure parmi les signataires.

C’est la que la fable de La Fontaine prend tout son sens ; là que la grenouille tente de se faire plus gros que le bœuf. En effet, jeunes – voire inexpérimentés – mais déjà roués, les membres de ce collectif ont vu dans le retour du président gabonais une formidable occasion médiatique de se pousser du col, de se hisser au même niveau que le chef de l’Etat, via une stratégie de communication aussi simple qu’efficace.

Celle-ci tient en quelques mots. « Si le président est rentré, c’est en raison de notre appel et de notre ultimatum », soutiennent sans rire les membres de ce collectif. Une version que les médias qui leur sont proches, ont été priés de relayer, dans l’espoir qu’ « un mensonge répété finisse par faire une vérité»

Car un mensonge, ç’en est un. Tout d’abord, la présidence a fait savoir que la date du retour d’Ali Bongo avait été fixée, en accord avec le collège des médecins, début février dernier, soit bien avant l’appel lancé par cette poignée d’opposants le 26 février dernier. Ensuite, comment peut-on sérieusement imaginer que des questions aussi importantes telles que la date du retour définitif du président soient tranchées en fonction de la stratégie de communication d’une poignée de jeunes opposants, dont le poids politique est plus que limité ? Sur les dix signataires en effet, on ne compte aucun grand leader, ni même aucun élu. Deux d’entre eux, Nicolas Nguema et Jean Gaspard Ntoutoume Ayi ont été sèchement battus dès le premier tour des élections législatives en octobre dernier.

Au passage, c’est de même procédé, spécieux, qui est à l’oeuvre dans la tentative de faire accréditer l’idée (sans doute encore plus grotesque) selon laquelle le fantasque opposant Bruno Ben Moubamba (dont les propos sont toujours à prendre avec des pincettes) serait à l’origine de la réactivation des comptes d’Ali Bongo sur les réseaux sociaux. Quelle imagination ! Le fait est que, dans un cas comme dans l’autre, on cherche à nous faire prendre un moustique pour un lion…

Décidément, tout cela n’est pas sérieux et surtout pas à la hauteur des attentes et des espérances des Gabonais. Eux n’ont que faire de ces débats politiciens qui n’intéressent que ceux qui les suscitent. Ce que les Gabonais attendent du retour d’Ali Bongo, ce sont des mesures fortes pour changer leur quotidien et préparer l’avenir. « Une nouvelle étape du septennat s’ouvre », a écrit ce weekend Ali Bongo sur son compte Twitter au lendemain de son retour au pays. Là est l’essentiel pour les Gabonais, et pas ailleurs.

Quant à la grenouille (le collectif d’opposants), elle serait bien inspiré, d’une part, de relire La Fontaine pour connaître le sort qui pourrait lui être réservé ; d’autre part, de préférer aux saillies médiatiques le travail de fond, c’est à dire la formulation de proposition concrète sur des sujets qui touchent le quotidien des Gabonais. C’est précisément ce que ces derniers attendent de la part de l’opposition qui, à trop dénoncer, a fini par oublier de proposer.