[Editorial] Au Gabon, fin de l’impunité pour ceux qui confondent liberté d’expression et propagation de fake news ?

Le leader syndical Jean Remy Yama © DR

Le pays semble enfin décidé à lutter contre la propagation des fausses nouvelles qui gangrènent l’espace public et médiatique. 

La liberté d’expression a bon dos. Comme toujours, parmi ceux qui en jouissent, certains sont portés à en abuser.

Au Gabon, depuis les ennuis de santé – survenus en octobre 2018 et aujourd’hui révolus – du président Ali Bongo, les fausses nouvelles pullulent. Sur les réseaux sociaux, où elles trouvent un terreau favorable, mais aussi – plus grave – dans la bouche de dirigeants publics, qu’ils soient syndicalistes ou opposants. Des propos souvent complaisamment relayés par des sites internet, auto-baptisés « médias d’information », mais qui n’en respectent ni les pratiques, ni la déontologie.

Imagine-t-on le leader de la CGT proclamer : « Emmanuel Macron est mort » ?

Entendre dire, dans la bouche d’un leader syndical, qu’ « Ali Bongo est mort, il n’existe plus », est profondément choquant. Imagine-t-on en France le leader de la CGT, l’une des principales confédérations syndicales, Jean-Claude Martinez, proclamer : « Emmanuel Macron est mort » ? Il encourrait aussitôt les foudres de la Justice et serait probablement aussitôt demis de ses fonctions par le bureau de son syndicat !

Après plusieurs mois de passivité et, disons-le, de laxisme de la part des autorités, celles-ci, à la faveur de la nomination d’un nouveau ministre de la Justice, semblent enfin résolues à lutter contre la propagation de mensonges, de fausses nouvelles, qui n’ont d’autres desseins que de déstabiliser la première institution de la République : la présidence.

Pour le dire plus simplement, les autorités gabonaises semblent enfin déterminées à faire respecter le droit. Car il n’est pas tolérable, pas plus au Gabon qu’ailleurs, que des responsables publics profèrent des mensonges. Pas plus qu’il n’est admissible que certains auto-proclamés médias relaient servilement de tels propos sans avoir rappelé ce qu’il en était en réalité. N’en déplaise à certains, Ali Bongo n’est pas mort et il est bien aux commandes du pays.

Un mensonge répété ne fait jamais une vérité

Maris de ne plus pouvoir jouir de la licence de répandre des infox sur la place publique, ces défenseurs du droit à raconter n’importe quoi entonnent désormais un autre couplet, pour le moins attendu : celui de la victimisation. Il serait en effet les victimes de l’arbitraire d’un État autoritaire qui tenterait de museler leur parole. C’est ainsi qu’ils tentent de se dépeindre auprès des réseaux sociaux et des médias. Hélas pour eux, le stratagème est éculé et la ficelle usée.

A ces sophistes des temps modernes, nous rappellerons une chose : un fait n’est pas une opinion. Et aux « médias » qui leur font écho, il n’est pas inutile de leur remémorer qu’en matière de journalisme, si le commentaire est libre, les faits, eux, sont intangibles et doivent, en toutes circonstances,être rappelés.

Nous donc devons raison garder. Et conserver à l’esprit que la liberté d’opinion n’est pas la licence de raconter n’importe quoi, en particulier de proférer des mensonges, et qu’en matière de débat public, n’en déplaise à Machiavel, la fin (la quête du pouvoir par l’opposition) ne justifie pas les moyens (des mensonges éhontés). Qu’on se le dise : un mensonge répété ne fait jamais une vérité.