[Éditorial] Affaire des 353 conteneurs de Kevazingo « disparus » au Gabon : les têtes doivent tomber

Le président gabonais, Ali Bongo Ondimba © DR

Dans cette affaire qui choque l’opinion, toute la justice doit être faite. Mais les conséquences doivent également être tirées sur le plan politique. Aucune impunité ne doit être accordée. Pour les autorités gabonaises, c’est l’occasion de montrer leur détermination à lutter réellement contre la corruption. Il en va, sur ce plan, de leur crédibilité. 

Choquante. C’est ainsi que les Gabonais considèrent cette affaire de conteneurs remplis de Kevazingo, une essence rare interdite à l’exportation, disparus fin avril sur le Port d’Owendo. Comment expliquer que 353 d’entre eux se soient évaporés, sur un total de 392, alors même qu’ils avaient fait l’objet quelques semaines plus tôt d’une saisie par la Justice ? Comment imaginer, compte tenu de leur taille et de leur nombre, que ces conteneurs aient disparus dans la nature sans protection à un niveau très élevé ?

Pour les Gabonais, cette disparition est tout sauf mystérieuse. Son explication tient en un mot : la corruption. Celles de responsables au sein du ministère des Forêts, des Douanes, du Port ? A la Justice de le dire.

En attendant, cette affaire met à l’épreuve, au sens premier du terme, les autorités gabonaises. A tort ou à raison, nombreux sont ceux, tant au Gabon qu’à l’extérieur, qui considèrent que la corruption avait, ces dernières années, atteint une intensité préoccupante. Depuis deux ans, le renouvellement de l’entourage du président aidant, celle-ci n’a certes pas disparu, mais elle a, de l’avis général, sensiblement baissé. C’est cette dynamique qui est défiée aujourd’hui dans cette affaire, il faut bien le dire, surréaliste.

Dans cette affaire, c’est la crédibilité des autorités gabonaises à lutter contre la corruption qui est en jeu

La présidence en a pris, semble-t-il, la mesure. Pour couper court à ces pratiques qui devraient appartenir au passé, mais auxquelles continuent manifestement de se livrer certains individus, les autorités gabonaises doivent, dans cette affaire d’une extrême gravité, faire preuve de la plus grande sévérité. Ces mots, ce sont ceux du porte-parole du président Ali Bongo, Ike Ngouoni, lors d’une allocution musclée diffusée ce lundi. Celui-ci ne s’y est pas trompé. « Notre bras ne tremblera pas. La corruption n’a pas sa place au Gabon », a-t-il déclaré, promettant des sanctions « sévères et exemplaires ».

C’est heureux. La justice s’est déjà mise en branle avec, notons-le, une remarquable célérité. Sur les 353 conteneurs « disparus », 200 ont d’ores et déjà été localisés (au Gabon), plusieurs mises en examen ont été effectuées et le commanditaire présumé, s’il est en fuite, a été identifié. Au-delà du terrain judiciaire, dans cette affaire, il est inimaginable que des conséquences ne soient pas tirées sur un plan administratif mais aussi politique. En clair, les très hauts fonctionnaires, mais également les responsables politiques, aient-ils rang de ministre, qui ont failli, ne doivent pas être épargnés. « Si des responsables, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, ont failli, ils seront durement sanctionnés », a prévenu le porte-parole du président. Espérons que ces mots soient suivis d’effets et qu’il ne s’agira pas, cette fois-ci, de ne faire payer que les lampistes.

Pour que la lutte anti-corruption au Gabon, déjà mise en difficulté par les atermoiements de l’opération Mamba, jouisse d’une certaine crédibilité, il ne doit pas y avoir d’impunité. Dans cette affaire du Kevazingo, les têtes, toutes les têtes doivent tomber.