Diplomatie : Départ du Gabon de l’ambassadeur de France Philippe Autié qui laissera un « souvenir mitigé »

Le futur ex-ambassadeur de France au Gabon, Philippe Autié © DR

En poste depuis septembre 2018, Philippe Autié a fait hier, à l’occasion de la traditionnelle célébration du 14 juillet, jour de fête nationale en France, ses adieux à la communauté française au Gabon.

Des adieux au goût amer pour le futur ex-ambassadeur de France au Gabon dont s’était la première expérience en tant qu’ambassadeur.

Sous le mandat pour cet énarque (promotion 1982) qui a débuté sa carrière au ministère de la Coopération du temps de Jean-Pierre Cot et de Christian Nucci, les « incompréhensions », pour reprendre le terme utilisé dans son discours d’adieu en référence à l’élection présidentielle de 2016, entre Paris et Libreville se sont multipliées. Pour preuve, le Gabon est sur le point d’adhérer au Commonwealth. Une manière, quoi qu’on en dise, de tourner le dos à l’ex-puissance coloniale qui peine à bâtir une relation réellement saine et constructive avec les ex-« pays du champ ».

C’est l’avis de cet ancien journaliste, qui a longtemps dirigé une lettre d’information confidentielle sur l’Afrique. « La France n’a plus depuis longtemps de ligne diplomatique claire en Afrique subsaharienne francophone. Elle peine à assumer ses intérêts et préfère parler de ‘valeurs’. Ce faisant, elle tombe souvent dans ‘l’ingérence mal à propos’, ce qui est très mal perçu dans les pays en question », fait-il observer.

Idéologie ou paresse intellectuelle

Cette « navigation à vue », pour reprendre son expression, est perceptible en particulier dans les relations franco-gabonaises. « Objectivement, pour Paris, Libreville serait un partenaire idéal. Les intérêts économiques français y sont nombreux, notamment dans le manganèse avec Eramet. Le Gabon est un des pays les plus impliqués dans la défense de l’Accord de Paris sur le climat et c’est l’un des pays africains qui fait le plus en matière de promotion de droits des femmes », poursuit l’ex-journaliste, peut-être le plus connaisseur des relations franco-africaines.

« A cela », renchérit-il, « il faut ajouter le fait que le Gabon est l’un des rares pays véritablement stable en Afrique centrale et où la presse jouit bon an mal an d’une liberté qui n’existe guère ailleurs dans la sous-région, voire sur le continent (…) »

« De ce point de vue, la perception actuelle du Gabon par le Quai d’Orsay, sans doute faussée par des raisons idéologiques, voire de paresse intellectuelle, est difficilement compréhensible. On peut même parler d’un deux poids deux mesures avec des pays comme le Sénégal où les dernières élections présidentielles ne correspondent pas véritablement aux canons démocratiques et où il y a des problématiques migratoires en lien avec la France qui n’existent pas dans le cas du Gabon ».

« Imagine-t-on Libreville faire des déclarations au sujet de la présidentielle française de 2017 ? »

« Sans parler des politiques publiques mises en œuvre qui sont, quoi qu’on en pense habituellement, plus efficaces au Gabon. Et pourtant, le Sénégal est souvent encensé alors que le Gabon est, lui, voué aux gémonies », conclut l’ancien journaliste qui ne tarît pas de critiques à l’endroit des « fonctionnaires » du ministère français des Affaires étrangères qui « ont tendance », selon lui, « par crainte des médias », à « donner une importance exagérée aux propos des ONG, des activistes sur les réseaux sociaux et de l’opposition politique », ce qui n’est pas « sans arrières pensées paternalistes ».

Un point de vue largement partagé par l’un des ministres qui était présent hier lors de la cérémonie à l’Ambassade de France. « Je regrette que Monsieur l’ambassadeur Autié ait fait allusion dans son discours à l’élection de 2016 au Gabon. Imagine-t-on Libreville faire des déclarations au sujet de la présidentielle française de 2017 ? », fait mine de s’interroger ce membre influent du gouvernement en référence au fait que le scrutin a été largement biaisé par la justice. « Si cela s’était passé chez nous, que n’aurions-nous pas entendu ! », s’exclame-t-il.

Si elle veut demain faire partie de son avenir, elle devra à l’évidence revoir un certain nombre de paradigmes. Ce sera, à l’évidence, l’un des défis du remplaçant de Philippe Autié qui quitte Libreville en laissant un « souvenir mitigé » pour reprendre un euphémisme du vocabulaire diplomatique.