Dans un post aux relents complotistes publié récemment sur sa page Facebook, l’ancien premier ministre Raymond Ndong Sima s’est demandé « où (était) l’argent qui a été recouvré » suite aux récents scandales financiers ? Incompétence ou malveillance ? On est en droit de s’interroger car la réponse est pour le moins évidente. Explications.
Depuis qu’il a été débarqué de son poste de premier ministre en janvier 2014, Raymond Ndong Sima, s’est fait une spécialité : critiquer l’action de ses successeurs. « Pour lui, c’est après moi le déluge. Il n’a toujours pas digéré d’avoir été mis sur la touche », raille l’un d’entre eux.
Ces prises de parole, prétendument solides sur le fond, font habituellement la joie des médias d’opposition, trop heureux de trouver en l’ex-chef du gouvernement un Cassandre plus crédible que les habituelles figures de l’opposition radicale. Sauf que cette fois-ci, Ndong Sima semble s’être vraiment pris les pieds dans le tapis.
Dans une interview, aux accents résolument complotistes, diffusée dimanche 22 novembre sur le site d’information Gabon Actualité, l’ex-premier ministre tente – maladroitement – de jeter l’opprobre sur la politique anti-corruption du gouvernement. « On est en train de dire que les gens sont arrêtés et mis en prison ; que des sommes ont été trouvées ici et là. Mais où est l’argent qui a été trouvé chez ces gens-là ? C’est bien de dire à la population que des gens ont été impliqués dans les scandales financiers. Mais lorsque les opérations de recouvrement ont lieu, où est l’argent qui a été recouvré ? », fait mine de s’interroger l’ancien premier ministre.
Et celui-ci d’insister : « On donne à la population toute entière une information sur des détournements qui ont lieu, c’est très bien de faire ça. Mais, mais il également faut que la contrepartie soit donnée à la population. C’est-à-dire, nous devons savoir combien a été recouvré, où est cet argent et ce qu’est-ce qu’on en a fait ».
Un ancien premier ministre devrait savoir ça
Au Gabon, beaucoup s’interrogent sur cette nouvelle sortie de l’ex-chef du gouvernement tant la réponse est en réalité « évidente », comme l’explique un professeur de l’UOB.
« Dans le cadre de scandales financiers – celui de l’Opération Scorpion, des dettes intérieures fictives ou autres -, même si des saisies de sommes d’argent, de véhicules, de biens immobiliers, etc., sont effectuées par les officiers de police judiciaire sous le contrôle du juge, ces valeurs mobilières ou immobilières sont placées sous scellées jusqu’à la date du jugement définitif, ce que l’on appelle la ‘chose jugée’. Ce, pour une raison simple : si au final les personnes inculpées sont déclarées innocentes, l’argent saisi leur sera intégralement restitué. Il s’agit d’un principe fondamental du droit », explique l’universitaire, spécialiste de la procédure judiciaire.
L’ancien premier ministre Raymond Ndong Sima pouvait-il ignorer cela ? Difficile de le dire. Entre ignorance (donc incompétence) ou malveillance (malhonnêteté intellectuelle aux fins de critique systématique du gouvernement), les internautes gabonais semblent partagés.
Mais il est un point en revanche sur lequel une grande majorité d’entre eux s’accordent : durant ses deux années de mandat de premier ministre (de février 2012 à janvier 2014), le niveau de corruption était incomparablement plus élevé au Gabon qu’il ne l’est aujourd’hui. De cela, Raymond Ndong Sima, d’habitude très prolixe, se garde bien de parler.