« Après plusieurs années de méfiance réciproque, les relations entre la France et le Gabon entrent dans une phase de décrispation inédite » (La Lettre du Continent)

Ali Bongo Ondimba s'est très longuement entretenu en tête-à-tête avec Emmanuel Macron le 12 novembre 2021 au Palais de l'Elysée à Paris © DR

« Ce rapprochement progressif, opéré dès 2020 à l’initiative de la diplomatie française, devrait encore s’intensifier avec l’entrée du Gabon au Conseil de sécurité de l’ONU pour les deux prochaines années », explique la très informée Lettre du Continent dans un article publié ce mercredi 19 janvier.

« Libreville n’avait pas connu un tel défilé de diplomates et parlementaires français depuis au moins une décennie. Le mois dernier, ce ne sont pas moins de trois délégations tricolores qui se sont succédé dans la capitale gabonaise », écrit le bimensuel qui ajoute qu’« après quatre années passés à se considérer avec indifférence et, parfois, irritation, Paris et Libreville se sont engagés, depuis la fin de l’année dernière dans une normalisation progressive de leurs relations ». 

Et La Lettre du Continent de citer la visite du directeur Afrique du Quai d’Orsay, Christophe Bigot, en décembre à Libreville, de même que la venue dans la capitale gabonaise, toujours en décembre, d’une délégation de députés français, conduite par Jean Terlier (LREM) appartenant au groupe d’amitié France-Gabon, sans oublier le long tête-à-tête à l’Elysée le 12 novembre dernier entre Ali Bongo Ondimba et Emmanuel Macron (près d’une heure de discussion).

Ce rapprochement initié par la France n’est naturellement pas, du point de vue de Paris, désintéressé. « Ces dernières années, le Gabon est devenu un acteur incontournable sur la scène diplomatique mondiale », a déclaré il y a quelques semaines un ancien ministre des Affaires étrangères, qui continue à faire autorité. Il faut dire que le Gabon a intégré le 1er janvier dernier le Conseil de sécurité de l’ONU. Une institution dont il assurera la présidence en septembre prochain. Or, Paris a besoin d’alliés dans cette instance pour peser sur certains dossiers.

Surtout, le Gabon s’est érigé en « superpuissance verte. » « Il s’agit de l’un des pays les plus stratégiques dans la lutte contre le réchauffement climatique », confirme un ambassadeur occidental en poste en Afrique. La COP 26 de Glasgow l’a encore démontré, Ali Bongo Ondimba a été parmi les premiers à prendre la parole. A cette occasion, le Gabon a été le chef de file des négociateurs africains. Or, pour Paris, le dossier climatique est prioritaire. Et l’appui du Gabon ne lui est pas seulement nécessaire. Il lui est indispensable.

L’opposition gabonaise penaude

Ce rapprochement entre Paris et Libreville fait une victime. L’opposition gabonaise. Longtemps celle-ci a espéré un illusoire coup de pouce de la France pour ici ne pas reconnaitre le résultat de l’élection présidentielle de 2016, là constater la vacance du pouvoir présidentielle en 2019. Mais le fantasme du coup de pouce extérieur ne viendra jamais. Pour Paris, l’opposition gabonaise, engluée dans des guerres picrocholines, ne représente pas une alternative crédible. Surtout, la France a renoncé, ce qu’elle avait été tenté de faire un temps, à s’ingérer outre mesure dans les affaires politiques intérieures du Gabon. Un retour à la raison – à la real politik, disent les diplomates – qui participe grandement à l’actuel réchauffement des relations entre Paris et Libreville.

Dans cette relation complexe, France et Gabon parlent désormais d’égal à égal. Libreville, qui a retenu les leçons du passé, s’est ouvert à d’autres partenaires (Chine, Inde, Russie). Surtout, le pays s’apprête à rejoindre officiellement (probablement en juin prochain) la grande famille anglophone du Commonwealth. En matière de relations internationales comme en d’autres, on ne sait jamais. Mieux vaut avoir plusieurs fers au feu.