[Analyse] Pourquoi l’appel de Guy Nzouba-Ndama à s’unir derrière le candidat de l’opposition le mieux placé au premier tour de la présidentielle de 2023 au Gabon enflamme la classe politique

Le président des Démocrates, Guy Nzouba-Ndama © Facebook

Fébrile à l’approche de l’élection présidentielle de 2023 qu’elle aborde en ordre dispersé, l’opposition gabonaise se cherche une stratégie et multiplie les initiatives. Dernière en date : celle du président des Démocrates, Guy Nzouba-Ndama, qui appelle l’opposition à soutenir le candidat arrivé en tête dans camp lors du premier tour. Ce geste, en apparence amical, est en réalité de nature à semer un peu plus la zizanie dans les rangs des opposants.

C’est un peu le baise de la mort qu’a donné Guy Nzouba-Ndama.

Dans une interview ce mercredi 8 décembre au quotidien L’Union, le président des Démocrates, principal parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale, a appelé à l’union de l’opposition mais… au second tour seulement.

« Nous avons désormais une élection à deux tours. Cela veut donc dire que si candidat unique de l’opposition il y a (ce qui est très loin d’être acquis, NDLR), cela ne peut qu’être au deuxième tour », a-t-il déclaré.

En apparence anodine, cette proposition est de nature à enflammer un peu plus les relations entre les différents opposants qui se livrent une féroce bataille pour le leadership.

D’abord, elle est une attaque frontale contre Jean Ping. Le vieux leader de la CNR qui, bien que n’étant plus que l’ombre de lui-même, n’a toujours pas fait son deuil d’une nouvelle candidature à la présidentielle. Et pour celui qui aura 83 ans en 2023, il est hors de question de se retrouver en compétition avec, comme il les qualifie, des « seconds couteaux ».

La déclaration de Guy Nzouba-Ndama est également une fin de non-recevoir lancée à l’encontre d’Alexandre Barro-Chambrier. Le président du RPM fait des pieds et des mains depuis quelques mois pour tenter de s’imposer comme le candidat unique de l’opposition dès le premier tour. Pour l’heure, on ne peut pas dire que son entreprise soit couronnée de succès. La main tendue le 13 novembre dernier à Paulette Missambo, fraichement élue président de l’Union nationale à la place de Zacharie Myboto, a été sèchement écartée.

Pas sûr que ce petit monde, qui se déteste cordialement, parvienne à se réconcilier au lendemain du premier tour de la présidentielle.

Car il ne faut pas avoir la mémoire courte. En 2016, Jean Ping n’avait pas réussi à convaincre tous les opposants à se rallier à son panache. Chacun se souvient de la défection de Pierre-Claver Manganga Moussavou, le président du PSD.

De ce point de vue, 2023 risque d’être pire que 2016. Plusieurs des membres du collectifs Appel à agir ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne se rallieraient pas comme un seul homme au candidat de l’opposition arrivé en tête. « Tout dépendra de qui il s’agira et quel sera son programme », assène l’un d’entre eux. En réalité, ces déclarations ne sont pas dénuées d’esprit tactique. Le collectif Appel à agir joue plutôt l’élection présidentielle suivante, celle de 2030. Ses membres sont en effet plus jeunes que les vieux barons (Ping, Barro Chambrier, Nzouba-Ndama, Missambo…). Et pour avoir les mains libres en 2023, plusieurs des vieux barons de l’opposition ayant probablement quitté la scène politique à ce moment-là, une victoire du président Ali Bongo Ondimba en 2023 serait pour eux le scénario idéal.

Enfin, dans ce jeu de billard à plusieurs bandes, reste un dernier paramètre. Il est tout sauf certain qu’un second tour ait lieu en 2023. Lors des dernières élections générales de 2018, l’opposition gabonaise s’était fait littéralement étrillée, ne parvenant à remporter qu’une vingtaine de sièges à l’Assemblée nationale sur les 143 en jeu. La grande majorité des candidats du PDG l’avaient emporté dès le premier tour.