[Analyse] Plainte contre Noureddin Bongo Valentin devant la Commission de lutte contre l’enrichissement illicite au Gabon : Quelles sont les véritables motivations des plaignants ?

Nourredin Bongo Valentin a été nommé le 5 décembre 2019 au poste de coordinateur des affaires présidentielles © DR

Ce lundi 13 janvier 2020, les présidents de quatre organisations pro-opposition, parmi lesquelles le Réseau des organisations libres pour la bonne gouvernance (ROLBG) et la confédération syndicale Dynamique unitaire, ont porté plainte contre le coordonnateur des affaires présidentielles, Noureddin Bongo Valentin, devant la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI). En réalité, il s’agit d’un nouveau « coup de com » de la part de leurs auteurs destiné à faire le buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias.

C’est le dernier « coup de com » de la « société civile », vocable pratique qui désigne des organisations qui ne sont pas des partis politiques proches de l’opposition. Ce lundi, les présidents de quatre d’entre elles, le Réseau des organisations libres pour la bonne gouvernance (Georges Mpaga), la confédération syndicale Dynamique unitaire (Jean Rémy Yama), les mouvements Sauvons la République (Malanda Ghislain) et Ça suffit comme ça (Marcel Libama) ont porté plainte contre le coordonnateur des affaires présidentielles, Noureddin Bongo Valentin, devant la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI).

Dans la plainte en question, ses auteurs dénoncent « des faits de corruption active et passive, corruption d’agents publics étrangers, de blanchiment des capitaux de criminalité financière en bandorganiséou encore d’association de malfaiteurs ». A l’appui de leurs allégations, ceux-ci évoquent des faits qui se seraient déroulés le lundi 6 janvier dernier impliquant des agents de la Garde républicaine, qui lors d’un contrôle de routine au poste mobile de la Gendarmerie nationale, auraient été interpellés avec « plusieurs sacs d’argent » et qui auraient avoué que « ces sacs seraient la propriété de Noureddin Bongo Valentin ».

Faits imaginaires et absence de qualité pour agir

Des faits qui paraissent, sur le papier, abracadabrantesques. Imagine-t-on que des éléments de la GR puissent ainsi être interpellés ? Si oui, par qui ? La plainte en question n’en dit mot. Renseignements pris auprès des services de défense et de sécurité, à la fois civile et militaire, aucun PV ne fait état d’un tel incident à la date sus-mentionnée. Il s’agit donc, selon toute vraisemblance, de faits purement imaginaires, ce que confirme plusieurs sources. « Ce sont des ‘on-dit’, des racontards. Tout ça n’est pas sérieux. Cette histoire est tout simplement rocambolesque », commente mi-amusé mi-excédé l’une d’entre elle.

Autre élément qui accrédite l’idée que cette plainte a probablement ne serait pas « sérieuse » sur le plan judiciaire : l’absence de qualité pour agir des plaignants. En effet, la CNLCEI ne peut être saisie que par certaines autorités. Les organisations pré-citées n’en font pas partie.

Visée purement médiatique

En réalité, ce dépôt de plainte semble avoir un tout autre objet : faire le buzz médiatique. « Prenez un thème qui est dans l’actualité et qui fait débat dans l’opinion : la corruption et l’enrichissement illicite ; prenez une personnalité très médiatique, comme Nourredin Bongo Valentin, et vous avez un cocktail parfait pour faire le buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux », analyse un professeur en communication politique de l’UOB. « Dans quelque temps, vous verrez que les plaignants crieront au déni de justice car leur plainte n’a pas été traitée, quand bien même celle-ci est sans fondement et qu’ils n’ont pas qualité pour agir », prédit-il.

Une plainte qui en rappelle une autre

Selon lui, cette plainte en rappelle une autre : celle d’un autre collectif de la société civile, proche de l’opposition lui-aussi, Appel à agir, qui avait en 2019 ester en justice sans avoir qualité pour agir devant les tribunaux ordinaires et la Cour constitutionnelle en vue de faire déclarer la vacance du pouvoir présidentiel. A l’époque, la cible s’appelait Ali Bongo Ondimba.

Cette plainte n’avait pas abouti sur le plan judiciaire. En revanche, elle avait permis aux membres du collectif de prendre la lumière médiatique et de crier au déni de Justice. Ce sont à n’en pas douter les mêmes objectifs que poursuivent en l’espèce Georges Mpaga, Jean Rémy Yama, Malanda Ghislain et Marcel Libama. Un quatuor qui se substitue à l’opposition politique, trop divisée et affaiblie pour mener aujourd’hui le combat contre le pouvoir en place.