[Analyse] La compétence, seul critère privilégié pour les nominations en conseil des ministres au Gabon

Le président Ali Bongo Ondimba le 11 novembre 2019 à Libreville @ DR

Au Gabon, les conseils des ministres qui se sont succédés depuis le début novembre 2019 (quatre en tout) ont débouché sur de nombreuses nominations aux postes publics les plus importants. Désormais, en rupture avec les pratiques du passé, il s’agit de faire primer la compétence sur tout autre critère.

Certes, c’est de bonne guerre, certains dans l’opposition n’ont pas manqué de voir dans les très nombreuses nominations intervenues depuis le début du mois de novembre, lancement de l’opération anti-corruption Scorpion oblige, une volonté de purger l’ancien système mis en place par l’ex-directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga pour lui substituer un autre où les proches, en particulier ceux du coordonnateur général des affaires présidentielles Nourredin Bongo Valentin et du directeur de cabinet de la Présidence Théophile Ogandaga, se tailleraient la part du lion. Mais cette lecture, simplificatrice, ne résiste pas à l’analyse.

Contrairement à certaines nominations qui, ces dernières années, ont pu suscité des interrogations au sein de l’opinion en raison du manque d’expérience ou d’expertise des impétrants, celles intervenues ces trois derniers mois au Gabon n’ont suscité ni débat ni émoi. Pourquoi ? Parce qu’elles sont clairement marquées par la volonté de nommer « the right guy at the right place », autrement dit des personnes qualifiées, indépendamment de tout autre critère. « Des professionnels de la profession et non des néophytes », insiste un haut responsable public.

Plus d’expérience et davantage d’expertise

A commencer par la Présidence où les nominations intervenues depuis novembre dernier ont été marquées par la volonté, semble-t-il, de renforcer l’expérience, mais également, par endroits, l’expertise de ses proches collaborateurs comme de ceux qui sont au gouvernement ou à la tête des principales administrations ou agences publiques du pays.

Pour succéder au poste de directeur de cabinet de la Présidence à Brice Laccruche Alihanga, 39 ans à peine, et aujourd’hui placé sous mandat de dépôt dans le cadre de l’opération anti-corruption Scorpion, Ali Bongo Ondimba a choisi un homme d’expérience, un technocrate, sobre et discret, réputé pour sa maîtrise des dossiers, Théophile Ogandaga. A 59 ans, ce ressortissant de l’Ogooué-Maritime et du Moyen-Ogooué, ex-DG d’Olam Gabon depuis décembre 2018, le principal employeur privé du pays, « un Etat dans l’Etat », a passé une quinzaine d’années à Shell au Gabon, puis en expatriation aux Pays-Bas.

C’est cette même double volonté, injecter de l’expérience et, partant, un surcroît d’expertise, qui a présidé au choix de François Ntombo Tsibah à la tête de la Gabon Oil Company (GOC), la structure publique qui gère les participations de l’Etat dans le secteur pétrolier et gazier.

Idem à la direction générale de la Société équatoriale des mines (SEM) à la tête de laquelle a été placé le géotechnicien David Ossibadjouo, un spécialiste reconnu du secteur des mines. Diplômé d’administration publique des mines à l’Université de Laval en France, ce dernier a été directeur général-adjoint de Nouvelle Gabon Mining (NGM) et conseiller chargé de la recherche et de l’exploitation minière au ministère des Mines.

Quant au choix de Séverin Anguilé pour prendre la direction de la CNAMGS, il a été motivé par le niveau d’expertise et d’expérience de l’intéressé. Jusqu’alors directeur général de NSIA Assurances au Gabon, l’un des plus importants groupes du secteur en Afrique francophone, Séverin Anguilé, en tant qu’assureur, connait parfaitement les enjeux de protection sociale (santé et autres prestations) dont est précisément chargée l’institution qu’il dirige désormais.

Idem pour la récente nomination d’Apollinaire Alassa au poste de directeur général de l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG) en remplacement de Régis Landry Laccruche Lelabou. A 54 ans, Alassa, qui fut le directeur administratif et financier de l’OPRAG de 2010 à 2017, est l’un des meilleurs connaisseurs de la maison, assurent plusieurs de ses responsables. « Ses qualifications pour exercer le job sont incontestables », dit l’un d’entre eux.

« Il est facile de suggérer que les nominations intervenues depuis début novembre au plus haut poste de l’administration sont le fruit du copinage, du tribalisme ou que-sais-je-encore. Le fait est que les personnes nommées sont incontestablement compétentes », analyse un haut-diplomate en poste à Libreville qui rédige régulièrement des notes sur le pays.

Rupture avec l’ère précédente

Un point de vue partagé par ce journaliste du quotidien institutionnel L’Union, fin connaisseur des arcanes politico-administratives au Gabon. « Pour rendre les choses plus simples ou tout bonnement plus spectaculaires, certains, au sein de l’opposition ou même dans les médias, sont tentés d’expliquer ces nominations en raison de telle ou telle affinité ou proximité tribale ou régionale. D’une part, partout dans le monde, les gens nomment des personnes en qui ils ont confiance. Le Gabon n’y fait donc pas exception. D’autre part, les dernières nominations sont clairement marquées par la volonté de privilégier la compétence, voire l’expérience, sur tout autre critère, précisément pour signifier une rupture avec l’ère précédente, celle de Brice Laccruche Alihanga, où les mêmes qui critiquent aujourd’hui ne cessaient de pourfendre la ‘République des imberbes’, manière pour eux d’indexer des dirigeants nommés sur une base relationnelle, inexpérimentés et souvent, dans leur esprit, incompétents. » 

Notre confrère en veut pour exemple Ghislain Ngoulou. « Laisser entendre que celui-ci a été nommé directeur de cabinet du coordonnateur général Noureddin Bongo Valentin au seul motif ou même au premier chef qu’il est un Téké de Bongoville est falacieux. Quoi qu’on en pense, c’est d’abord quelqu’un qui est reconnu pour sa compétence, qui a les diplômes et l’expérience pour occuper une telle fonction », explique ce journaliste avant de conclure : « L’époque des nominations par copinage, régionalisme ou tribalisme est définitivement révolue. Pour une bonne est simple raison », explique-t-il, « les Gabonais attendent des résultats de l’action publique et pour en avoir, il faut nommer des gens compétents ». Au moins un point sur lequel chacun peut s’accorder.