[Analyse] Gabon : Y a-t-il réellement dissensus au sein du PDG sur le cas Julien Nkoghe Bekalé ?

Ali Bongo Ondimba est à la fois le président du Gabon et du parti majoritaire dans le pays © DR

Suite au soutien public apporté en début de semaine par le groupe parlementaire du Parti Démocratique Gabonais (PDG, au pouvoir) à l’actuel premier ministre et au communiqué consécutif du secrétaire exécutif, Eric Dodo Bounguendza, l’opposition a voulu y voir la preuve d’un désaccord entre les différentes composantes du parti majorité. Mieux, une preuve de l’incapacité du président Ali Bongo à tenir ses troupes et diriger le pays. Maisau-delà de la polémique, quant est-il réellement ? 

Lundi, le groupe PDG à l’Assemblée nationale, par la voix du président du groupe, Martin Mabala, affichait publiquement son soutien à l’actuel chef du gouvernement Julien Nkoghe Bekalé, à qui il a renouvelé sa confiance à travers un vote le 19 décembre dernier.

Deux jours, plus tard, le secrétaire exécutif du parti, Eric Dodo Bounguendza, se fendait d’un communiqué rappelant que la nomination comme la démission du premier ministre était une prérogative exclusive du président de la République.

Du pain béni pour une opposition moribonde qui n’a pas tardé à s’emparer du sujet afin de le monter en épingle et en faire une polémique. « Il s’agit d’un événement inédit dans les annales politiques de notre pays selon lequel des parlementaires du PDG expriment publiquement leur opposition à toute velléité de changement du Premier Ministre dont le choix relève pourtant de la compétence exclusive du Président de la République », a déclaré cette semaine le porte parole du RPM, Alain Michel Mombo.

Mieux, non content d’y voir un point de désaccord majeur au sein de la majorité, le parti présidé par l’opposant Alexandre Barro-Chambrier veut y voir également la preuve de l’incapacité du président de la République à tenir ses troupes et donc, dans un syllogisme imparable, à exercer le pouvoir. « Le problème actuel du Gabon réside dans l’incapacité d’Ali Bongo d’assumer au bénéfice des Gabonaises et des Gabonais, les fonctions de Président de la République qu’il s’est accaparées », a tonné Alain Michel Mombo.

Une fausse polémique

Mais au fond, y a-t-il contradiction entre les propos publics du groupe parlementaire du PDG et le communiqué du secrétaire exécutif qui s’en est suivi ? Non. Dans le premier cas, il s’agit d’une position politique, cohérente au demeurant avec le vote de confiance qui a eu lieu à l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier suite au discours de politique général du premier ministre, qui est exprimée. Dans le deuxième cas, il s’agit du rappel du dispositif juridique, constitutionnel en l’occurrence, qui confère au président de la République le pouvoir exclusif de nommer et de démettre le premier ministre.

Dans les deux cas, on est donc pas sur le même registre, comme le confirme un professeur en science politique de l’UOB. « D’une part, on a l’expression d’un point de vue politique ; d’autre part, un rappel à l’état actuel du droit », constate l’universitaire. « Après que l’opposition s’empare du débat pour en faire une polémique, c’est de bonne guerre. Mais penser qu’il y a des tensions sur la base de dissensions au sein du PDG, c’est un peu exagéré et c’est mal connaître la machine de l’intérieur », analyse-t-il, parlant au sujet de l’opposition de whisful thinking ».

Un seul maître à bord

En effet, rappelle l’universitaire, « Le PDG est un parti très organisé et très hiérarchisé. Des voies potentiellement dissonantes peuvent ça et là se faire entendre et exprimer leur point de vue. Mais au final, chacun sait qu’il n’y a qu’un chef, qu’un arbitre : le président Ali Bongo Ondimba », explique-t-il.

Pour cet observateur averti de la vie politique gabonaise, comme pour d’autres, la situation est très simple : « Tant que le premier ministre bénéficie de la confiance du président Ali Bongo Ondimba, il est maintenu à son poste. Le jour où le président lui retire sa confiance, le premier ministre saute. » 

Une analyse confirmée par un des ministres, pilier du gouvernement. « Tout comme il ne peut y avoir deux crocodiles dans le même marigot, il ne peut y avoir deux têtes qui dépassent au PDG », dit-il dans un sourire entendu et avec un art consommé de la formule.