[Analyse] Gabon : Pourquoi la réélection d’Alassane Ouattara affaiblit la position de Jean Ping

Alassane Ouattara déclaré réélu à la Présidence de la Côte d'Ivoire avec 94,27 % des voix ce mardi 3 novembre 2020 © DR

Le président ivoirien sortant, âgé de 78 ans, a été réélu pour un troisième mandat avec un score « stalinien » de 94,27 % des voix au premier tour d’une élection présidentielle boycottée par l’opposition.

Elu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara, 78 ans, vient d’obtenir un troisième mandat présidentiel de cinq ans en Côte d’ivoire sur le score fleuve de 94,27 % au premier tour. L’opposition, elle, a boycotté le scrutin.

Selon le président de la CEI, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, le taux de participation est de 53,90 %. Le président sortant a recueilli 3.031.483 voix sur un total de 3.215.909 suffrages exprimés à ce scrutin marqué par des violences. Quelque 17.601 bureaux sur 22.381 ont pu ouvrir, le nombre d’inscrits pouvant voter est donc passé de 7.495.082 à 6.066.441 inscrits. Des militants de l’opposition ont saccagé ou empêché l’ouverture des autres bureaux.

Le candidat indépendant Kouadio Konan Bertin est arrivé en deuxième position avec 1,99 % des voix (64.011 votes). Deux autres candidats, qui avaient appelé au boycott, ont tout de même reçu des suffrages. L’ancien président Henri Konan Bédié a terminé 3ème avec 1,66 % (53.330 voix) et l’ex-premier ministre Pascal Affi N’Guessan quatrième avec 0,99 % (31.986 voix).

La CEI a trois jours désormais pour transmettre ces résultats au Conseil constitutionnel qui a sept jours pour les valider.

Selon des sources officielles, au moins 9 personnes sont mortes lors des violences lors du scrutin ou dans son sillage. Avant l’élection, une trentaine de personnes étaient mortes dans des troubles et des violences intercommunautaires depuis le mois d’août et l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara.

Jean Ping doit choisir entre deux mauvaises solutions

Pour Jean Ping, très proche du président ivoirien, cette victoire a un goût amer, comme l’explique un professeur en science politique de l’UOB. « Certes, Alassane Ouattara rempile pour un nouveau mandat, ce qui devrait en théorie réjouir Jean Ping qui s’en estime proche(…) Mais la victoire du président ivoirien est une victoire à la Pyrrhus. Il y a laissé beaucoup de plumes, à commencer par sa bonne image en Côte d’Ivoire, mais aussi à l’international (…) Sa victoire dès le premier tour avec près de 95 % des voix parait peu crédible, quand bien même certains de ses concurrents les plus dangereux, comme Laurent Gbagbo ou Guillaume Soro, ont été écartés en amont du scrutin. Enfin, il y a eu des morts avant, pendant et après », relate l’universitaire.

« Jean Ping va-t-il s’en offusquer ? », s’interroge le professeur. « Ou bien va-t-il cautionner ce qui est largement perçu comme un processus chaotique ? Dans le premier cas, il perdrait le soutien d’un de ses derniers alliés sur le continent ; un allié dont les financements lui seront nécessaires pour soutenir son éventuelle candidature lors de la prochaine élection présidentielle de 2023. Dans le second cas, il prendrait le risque d’écorner sévèrement l’image d’opposant qu’il tente de cultiver. Quelle crédibilité aura-t-il alors pour dénoncer ce qu’il considère être des anomalies comme il l’a déjà fait en 2016 ? », fait mine de s’interroger le professeur non sans rappeler, en citant le cardinal de Retz, qu’« on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ».

Dos au mur, Jean Ping est dans la pire des situations. Il n’a face à lui que deux mauvais choix. Et garder le silence n’est pas non plus une option. Cela équivaudrait à cautionner ce que Jean Ping tente de dénoncer pour lui-même depuis quatre ans, sans parvenir à convaincre.