[Analyse] Gabon : Pourquoi l’opposition hésite à critiquer la nouvelle salve de nominations actées lors du conseil des ministres ?

Image du dernier conseil des ministres du 26 février 2019 @ DR

De nombreuses nominations ont été entérinée lors du dernier conseil des ministres du mardi 26 février. L’opposition, dans sa grande majorité, hésite à les critiquer. Analyse et explication. 

Cette semaine, lors du conseil des ministres, plusieurs dizaines de nominations à des postes de responsabilité au sein du secteur public ont été entérinées. De même qu’un certain nombre d’établissements publics, devenus inutiles ou qui doublonnaient par rapport à d’autres structures, ont été supprimés.

Si quelques voix se sont élevées pour les déplorer, dans sa grande majorité, l’opposition gabonaise, pourtant très prompte à critiquer les initiatives prises par la majorité, a préféré cette fois-ci observer le silence.

Pourquoi une telle retenue si inhabituelle ? Trois explications peuvent être avancées pour expliquer ce relatif mutisme.

Tout d’abord, l’opposition gabonaise est régulièrement taxée de se complaire dans la critique et de n’avoir rien à proposer en retour. Depuis les élections générales d’octobre, d’où elle est ressortie laminée, celle-ci s’est en effet focalisée sur le seul sujet de la vacance présidentielle, au risque d’apparaître mono-maniaque. Pour le reste, en particulier les revendications sociales, elle semble préférée s’abriter derrière les syndicats. Atones, ceux-ci peinent cependant à mobiliser. Or, ce qui semble tenir lieu de stratégie politique pour l’opposition gabonaise est risqué. Tabler sur le seul rejet du pouvoir en place pour tenter de remporter la majorité est un pari plus qu’aléatoire comme l’ont montré les scrutins d’octobre 2018.

Ensuite, contrairement à la pratique qui avait cours précédemment, l’essentiel de ces nominations sont avant tout fondées sur le critère de la compétence. Signe du temps, les affinités partisanes ou l’extraction ethnico-régionale sont moins prises en compte que par le passé. Si elles persistent sans doute, elles ne sont plus suffisantes en tout cas pour justifier la nomination à un poste de responsabilité. En cela, c’est une vraie rupture avec le système précédent. En outre, un effort évident est opéré pour promouvoir les jeunes et les femmes, des publics jusque-là peu considérés, à des postes de responsabilité publique. Un volontarisme qui répond à la double exigence de mise en oeuvre de la politique d’égalité des chances, cheval de bataille d’Ali Bongo lors de la campagne présidentielle de 2016, et du respect de la décennie de la femme décrétée par le chef de l’Etat en 2010. Difficile, par conséquent, pour l’opposition de se montrer critique au risque d’apparaître rétrograde.

Enfin, dans la même veine, critiquer ces nominations qui permettent d’injecter du sang neuf au sein du secteur public, c’est prendre le risque de défendre le « vieux monde » que l’opposition gabonaise s’est toujours plu à dénoncer. Chacun le comprendra aisément : il est difficile de regretter aujourd’hui le départ de ceux qu’on a taxé hier d’incompétents… D’une part, il y a là une contradiction manifeste ; d’autre part, ce serait s’opposer à la promotion des femmes et des jeunes. Pas sûr que cette posture soit très populaire au sein de l’opinion gabonaise… C’est cette même logique qui prévaut en matière de suppression d’établissements publics. Déplorer leur disparition après les avoir abondamment taxés d’inutilité par le passé relèverait, sinon de la schizophrénie, à tout le moins d’une attitude contradictoire. A titre d’exemple, il est cocasse de voir aujourd’hui que les meilleurs défenseurs du Bureau du coordonnateur général du PSGE, supprimé lors du conseil des ministres, sont ceux qui l’ont le plus critiqué tout au long de son existence.

Reste dès lors l’essentiel : ce que les Gabonais attendent de l’opposition, c’est qu’elle développe un projet alternatif répondant à leurs priorités. La seule dénonciation du pouvoir en place ne saurait tenir lieu de programme. Ce faisant, elle se condamnerait à demeurer, pour longtemps encore, minoritaire. Décidément, il est grand temps pour l’opposition gabonaise de tirer les leçons des dernières élections.