[Analyse] Gabon : l’influence du Haut-Ogooué sur la vie politique et administrative toujours aussi forte

Justin Ndoundangoye. Le ministre des Transports est considéré comme le nouvel homme fort du Haut-Ogooué @ DR

Qu’on le déplore ou non, les ressortissants de la province d’origine du président Ali Bongo Ondimba continuent d’exercer une influence sans équivalent sur la vie politique et administrative gabonaise. Les Altogovéens ont placé cinq des leurs au gouvernement. Surtout, ils occupent près de 40 % des postes les plus importants au sein de la haute fonction publique. 

Les temps changent. Aujourd’hui, contrairement à hier, pour briguer une investiture lors d’une élection ou un poste de responsabilité au sein du secteur public, il faut d’abord et avant tout être compétent. C’est l’application du principe d’égalité des chances, cheval de bataille de la campagne présidentielle d’Ali Bongo Ondimba en 2016, qui s’affirme chaque année un peu plus. En outre, décennie de la femme oblige, appartenir à la gente féminine n’est fort heureusement plus aujourd’hui un handicap.

De fait, la compétence aujourd’hui, comme le montre les nombreuses nominations intervenues depuis bientôt deux ans, ainsi que les récentes investitures à l’occasion des élections législatives et locales d’octobre dernier, tend peu à peu à supplanter les critères qui ont longtemps prévalu dans la société gabonaise pour qui briguer une promotion dans la vie politique comme administrative. Les affinités partisanes ou l’appartenance ethnico-régionale ne sont plus des prérequis suffisants pour briguer telle ou telle investiture ou accéder à telle ou telle fonction.

Toutefois, évolution ne rime pas forcément avec révolution. Ainsi, si les autres provinces sont de mieux en mieux représentées au sein de la vie politique et de l’appareil d’Etat, le Haut-Ogooué, longtemps taxé d’hégémonisme, continue d’occuper une place singulière. Ses ressortissants continuent en effet à être toujours bien présents aux plus hauts postes de responsabilité.

Ainsi, au sein du gouvernement, sur 36 ministres, on compte 5 Altogovéens. Il s’agit de Lambert Noël Matha (Intérieur), Abdurazzak Guy Kabongo (Affaires étrangères), Arnauld Engandji (Equipement), Justin Ndoundangoye (Transports) et Marie Rosine Itsana (Tourisme).

Il en va dans la vie administrative comme dans la vie politique. Ainsi, les ressortissants du Haut-Ogooué sont particulièrement bien représentés au sein de la haute-fonction publique. On les retrouve à la tête des principales institutions et administrations : par exemple, à la Cour constitutionnelle (Marie-Madeleine Mborantsuo), la Cours des comptes (Gilbert Ngoulakia), la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (Dieudonné Odounga Awassi), etc.

Mais aussi à la Direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor, à la DGBFIP, à l’OPRAG, l’ARCEP, la CDC, la Sogatra, la Caistab, l’AGATOUR, etc.

Les personnalités originaires du Haut-Ogooué sont également bien représentées, par exemple, aux postes de secrétaires généraux dans les ministères, ou encore au sein du corps des ambassadeurs. Il en va de même au sein du cabinet de la présidence de la République.

« Il est faux d’affirmer que le Haut-Ogooué ne continue pas d’exercer une influence particulière sur la vie politique et administrative gabonaise »

Tout cumulé, le Haut-Ogooué occupe 95 des 244 plus hauts postes au sein de la haute-fonction publique et parapublique, ce qui, en pourcentage, représente 39 % du total. Elle est de loin la province la mieux représentée sur les neuf au total que compte le pays. Viennent ensuite le Woleu-Ntem (14 %), l’Estuaire et la Ngounié (12 % chacun), l’Ogooué Lolo (7 %), la Nyanga (6 %), l’Ogooué Ivindo (5 %), l’Ogooué maritime (3 %). Le Moyen Ogooué clôt la marche avec 2 %.

« Quand bien même il y a eu une évolution ces dernières années, qui ne datent pas d’hier mais de l’arrivée à la présidence d’Ali Bongo Ondimba, il est faux d’affirmer que le Haut-Ogooué ne continue pas d’exercer une influence particulière sur la vie politique et administrative gabonaise. Celle-ci, depuis une dizaine d’années, est, je dirais, à un niveau constant », explique un professeur en science politique de l’Université Omar Bongo de Libreville. « S’il y a une différence », poursuit-il, « celle-ci réside essentiellement dans le fait qu’aujourd’hui, être Altogovéen ne suffit pas. Il faut absolument être compétent pour espérer briguer un mandat ou accéder à une fonction publique », fait-il observer.

« Cela, je vous le concède, peut être considéré comme une petite révolution », glisse-t-il en conclusion de notre échange.