[Analyse] Gabon : Pourquoi l’appel à agir lancé par un collectif d’opposants est-il condamné à faire un flop ?

Elza Ritchuelle Boukandou, membre du parti PLC, est la seule femme sur dix signataires à avoir signé l'appel à agir diffusé ce jeudi 28 février par un collectif de l'opposition gabonaise @ DR

Ce jeudi 28 février, dix opposants ont rendu public un appel à agir. Sans surprise, celui-ci est condamné de faire pschitt. Voici pourquoi. 

Ils sont dix. Neuf hommes et une seule femme. Politiciens ou militants revendiqués de la société civile. Tous sont partisans de l’opposition. Aujourd’hui, ils viennent de publier un « appel à agir », à l’argumentaire éculé, qui, à peine diffusé, risque d’être tout aussi rapidement oublié.

Les raisons ? Tout d’abord, l’objet du texte. Sans surprise, celui-ci concerne la prétendue vacance du pouvoir présidentielle. Depuis les élections générales d’octobre dernier, elle est devenue pour l’opposition son unique obsession. Alors qu’elle est attendue par les Gabonais dans la formulation de contre-propositions pour améliorer leur quotidien, l’opposition persiste à ne considérer que ce seul sujet, en réalité très éloigné des préoccupations des populations. « La vacance du pouvoir, ça ne se mange pas », entend-t-on souvent dans les rues de Libreville.

Ensuite, si cet appel à agir est condamné à demeurer lettre morte, c’est en raison des signataires. Quel est en effet leur titre, leur qualité pour agir ? Certains d’entre eux sont coutumiers d’appels aux accents grandiloquents mais sans lendemain (Marc Ona Essangui, François Ndjimbi, le frère de Franck, le directeur de la publication Gabon Review, Anges Kevin Nzigou, l’ami intime de Harold Leckat, le propriétaire de Gabon Media Time, etc.) ; d’autres sont des politiciens dont le principal fait d’armes est d’avoir été battus à plate couture lors des dernières élections législatives (Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, l’ami du désormais ministre Franck Nguema, et Nicolas Nguema, fils de ministre qui a grandi à Batterie IV, tous deux éliminés sans gloire dès le premier tour lors des dernières élections législatives). Partant, le moins que l’on puisse dire, c’est que ce collectif est loin, très loin d’être représentatif de la société gabonaise, de ses aspirations et de ses préoccupations. D’une manière générale, l’opposition, faut-il, le rappeler s’est faite laminer à l’occasion des dernières élections. On serait donc en droit d’attendre de sa part un peu de modestie.

En outre, cet appel est l’énième du genre. Il ne comporte rien de nouveau. On garde en effet en mémoire les différents discours de Jean Ping depuis novembre dernier. Sans effet. La série de communiqués de l’Union nationale en novembre et décembre derniers. Sans effet également. L’appel de Laurence Ndong, début janvier sur TV 5 Monde. Sans effet aussi. Le discours il y a quelques jours de Zacharie Myboto. Sans effet derechef. Sans surpise, cet appel connaîtra donc le même sort.

D’autant que celui-ci tombe, le moins que l’on puisse dire, au plus mauvais moment. Si un tel pamphlet pouvait apparaître tactiquement opportun fin octobre ou courant novembre, il apparaît désormais anachronique. C’est en effet au moment où le président Ali Bongo est de retour pour la seconde fois à Libreville et que son état de santé s’est très nettement amélioré (sa diction est revenue à la normale et il marche désormais sans fauteuil roulant et sans l’aide d’une canne) qu’est publié ce manifeste. Il y a décidément un problème de timing. L’inquiétude qui prévalait dans les rues de Libreville il y a encore trois mois s’est aujourd’hui totalement dissipée. Manifestement, les signataires n’ont pas un, mais deux à trois trains de retard.

A dire vrai, les Gabonais sont lassés par ce genre d’appel. L’opposition a beau insister, personne n’est au bout du fil pour décrocher !