[Analyse] « Biens mal acquis » : Pourquoi la décision du juge d’instruction français est (paradoxalement) une très bonne nouvelle pour le président du Gabon

L'avocat Me William Bourdon, qui représente l'association Survie, en mauvaise posture dans le volet gabonais des Biens mal acquis © DR

Lundi 21 février, le site d’information en ligne Mediapart a publié un long article titré « la charge d’un juge d’instruction français contre le président du Gabon ». Cet article, alimenté par Me William Bourdon, l’avocat de l’Association Survie à l’origine de cette action en justice, semble au premier abord négatif. Mais, à y regarder de près, il est porteur d’excellentes nouvelles pour Ali Bongo Ondimba. Explications.

« Rien de neuf »

Tout ça pour ça. Hier, lundi 21 février, le site d’information en ligne Mediapart a publié un (très) long article sur le volet gabonais des « Biens mal acquis ». Le titre est alléchant. Il est en tout cas de nature à éveiller la curiosité du lecteur : « la charge d’un juge d’instruction français contre le président du Gabon ». Las, la promesse qu’il contient est rapidement déçue. En effet, même le site d’information en ligne Gabon Review, peu suspect de complaisance vis-à-vis du Président gabonais, le reconnait : « On apprend pas grand-chose de nouveau concernant les fameux biens mal acquis ».

Et pour cause, tout a été dit et redit sur le sujet. Il n’y a rien de plus dans le dossier. Rien surtout qui aurait permis de démontrer, preuves matérielles à l’appui, l’implication de près ou de loin, du président Ali Bongo Ondimba. Or, pour tenter de faire rebondir l’affaire et attirer les médias, à défaut de réelles nouveautés, la seule possibilité est d’user d’un stratagème de communication : y associer le nom d’une personnalité. Bref, à défaut de faire du journalisme, verser dans le sensationnalisme. D’où le choix du titre. Mais, et c’est là l’essentiel, sur le plan du droit, c’est une excellente nouvelle pour le président gabonais. De fait, aucun élément nouveau n’apparait qui est de nature à l’incriminer dans ce dossier.

Des supputations, pas de preuves

Autre point positif pour le chef de l’Etat : le fait qu’à défaut de preuves matérielles, inexistantes en l’espèce pour tenter de l’attraire dans ce dossier, le juge d’instruction français procède par supputation. « « Ali Bongo (…) ne pouvait ignorer l’origine présumée frauduleuse du faramineux patrimoine familial en France, estimé à au moins 85 millions d’euros », rapporte Mediapart. En clair, pas d’éléments tangibles, donc on présuppose, on pense que, etc. C’est un peu léger… Conséquence : L’affaire étant (trop) fragile sur le plan judiciaire, ses promoteurs font le choix de la porter dans les médias. Une stratégie classique quand les débouchés judicaires sont plus qu’incertains. En cela, c’est là aussi, une très bonne nouvelle pour le président gabonais.

Incompétence

Reste une question. Sans doute la principale. Que Me Bourdon et Mediapart se gardent bien d’ailleurs d’évoquer. Et qui est la preuve irréfragable que cette « affaire » n’a pas, in fine, de visée judiciaire mais seulement médiatique. Avec, pour but, de ternir l’image du numéro un gabonais et de sa famille. Cette question, la voici : un président de la République est-il justiciable devant les tribunaux ordinaires ? La réponse est catégorique : en France comme au Gabon, la réponse est non. Un président de la République d’un pays tiers est-il justiciable devant les tribunaux français ? Ici, aussi la réponse est négative. En clair, la procédure judiciaire ouverte à Paris ne pourra jamais, au grand jamais, aboutir à la comparution, et a fortiori à la condamnation du président de la République du Gabon, pas plus que d’un autre pays d’ailleurs.

Guerre de communication

Cette procédure ne poursuit donc aucun but judiciaire. Elle s’inscrit dans une bataille de communication que certains groupes d’intérêts mènent à Paris contre les dirigeants gabonais. Mais cette bataille de communication, contrairement à ce qu’espèrent Me William Bourdon et ses clients, pourrait ne pas produire le résultat escompter. Non en Europe où les colonnes des médias à sensibilité tiers-mondiste lui sont grandes ouvertes, mais en Afrique où les opinions publics ne comprennent plus qu’en 2022, un Africain (fût-il chef d’Etat…) puisse être inquiété par la justice d’un pays tiers. A fortiori celle de l’ex-puissance coloniale.

C’est ainsi que le président gabonais Ali Bongo Ondimba, dans un complet retournement de situation, pourrait au final l’emporter sur les deux tableaux : judiciaires et médiatiques.